Verdict Affaire MNSD Nassara: quelles options pour les parties ?

Permettez-moi de partager mon analyse du jugement numéro 269/15, rendu par le Tribunal Hors Classe de Niamey dans l’affaire MNSD Nassara en début de semaine, qui sera axée sur la substance du jugement, laquelle substance est revêtue de la « formule d’exécution provisoire», et les options des parties.

De l’exécution par provision ou exécution provisoire

Il ressort du jugement rendu et des dispositions du code de procédure civile, je cite «Hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée, généralement à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et conforme à l’affaire jugée ». Cela veut tout simplement dire que la formule mandate les autorités publiques du Niger (La Justice, Gendarmerie, la Police, etc.…) d’exécuter le jugement y compris « L’annulation pure et simple » du Congrès du parti tenu en Novembre à Niamey par aile Albadé.

Conséquences sur le groupe parlementaire MNSD à l’Assemblée

Le MNSD camp victorieux pourrait utiliser les moyens juridiques d’exécution forcée pour assurer l’exécution du jugement. L’utilisation d’un huissier est une des options légales et il va de soit de tous les cas d’exécution d’ordonnances sur requête c’est-à-dire lorsque le camp Albadé est servis de la copie du jugement valablement. Ici, la notification doit être dans les délais requis par la loi après 6 h du matin et au plus tard 21 h et ne pas être faite pendant les jours fériés ou chômés et payés. Une autorisation du juge peut normalement déroger à ces limitations. Grosso modo, les députés fidèles au camp Seyni peuvent jouir de tous les avantages que l’exécution du jugement pourrait leur apporter sans pour au temps attendre le caractère définitif de la chose jugée en cas d’appel par la défense y compris la participation des députés du camp Albadé au groupe parlementaire MNSD au sein de l’hémicycle.

Ceci aura des conséquences immédiates sur leur posture et rôle dans le groupe parlementaire MNSD car il y a, rappelons le, environ 22 députés du MNSD qui se sont ralliés à la majorité au sein de l’Assemblée. Désormais, ils sont frappés par ce jugement et ne peuvent pas se prononcer ou agir au nom de leur parti tant qu’ils n’ont pas rejoint le clan des députés restés fidèles à Seyni. Dans le cas contraire, l’exécution de ce jugement entrainera automatiquement leur départ du groupe parlementaire MNSD NASSARA. Et comme l’existence parlementaire et le poids des parties à l’hémicycle dépendent du poids de leur groupe parlementaire, j’imagine que leur influence sera aussi d’office réduite.

Dans la même lancée, ils ne peuvent pas candidater à un poste au sein les commissions et/ou du bureau de l’assemblée au nom du MNSD Nassara en tout cas jusqu’à ce que le jugement acquiert l’autorité de la chose jugée ; donc devient définitif, et ce, à leur faveur.

En outre, ils risquent de perdre « l’affichage médiatique » généralement conféré aux membres d’un groupe parlementaire à l’Assemblée selon sa taille et influence. Il n’est un secret pour personne que la presse a tendance à recueillir les avis des groupes parlementaires non pas des points de vue personnels des députés.

En plus, ces députés perdront des avantages comme les rémunérations prévues par le règlement de l’Assemblée nationale. En plus de leur salaire, les membres du bureau et des commissions de l’Assemblée bénéficient d’allocations énormes qu’ils gèrent à leur guise parce qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle rigoureux en place à cet égard.

Les options des avocats de la partie succombée

Bien qu’il paraisse que le camp Albadé a déjà interjeté appel « au fond » devant la Cour d’Appel de Niamey, la défense peut aussi parallèlement saisir le Président de la même cour aux fins de suspension de l’exécution provisoire  en référé. Ainsi, le Président peut se prononcer UNIQUEMENT sur les conséquences irrémédiables, comme le prévoit la loi; pas sur le fond de l’affaire et peut faire arrêter l’exécution provisoire du jugement dans les cas suivants :

–s’il pense que le juge d’instance a violé le principe intrinsèque du contradictoire ou « d’égalité des armes » qui veut que les parties soient présentes au jugement ou représentées par leurs avocats dans un souci de mieux servir les intérêts des parties au procès

–si l’exécution risque de violer la loi

–si l’exécution risque de créer ce que le législateur appelle « des conséquences excessives » la détermination desquelles est vaguement laissée à l’appréciation du juge et de l’appelant (ici le camp Albadé).

Je tiens à préciser que la liste n’est pas exhaustive car il existe des cas en jurisprudence qui justifient l’arrêt de l’exécution provisoire.

A titre liminaire, le juge de première instance, comme c’est le cas ici, généralement prend bien soin de motiver sa décision afin d’éviter une mise en cause par le Président de la cour en cas de référé. Et dans la pratique, plus souvent, les juges ont tendance à utiliser une jurisprudence qui veut que « L’erreur d’interprétation d’une règle de droit par le juge ne doit pas faire obstacle à l’exécution provisoire ».

Recours par voie de l’opposition

Dans des cas extrêmement rares, cette voie peut être utilisée par les membres du MNSD camp Albadé s’ils ont préalablement fait prévaloir leur refus d’être représentés par les avocats de ce camp bien que l’action en justice les concerne. En prouvant qu’ils n’ont pu se présenter à la première audience du fait qu’ils n’ont pas été notifiés d’une convocation. Si le jugement est rendu en leur absence, là ils peuvent solliciter la suspension de l’exécution provisoire par « voie de conclusions ». Dans ce cas, on repart à la case du départ pour rejuger en première instance devant le même juge qui a rendu la première décision en leur absence car elle est réputée n’avoir jamais existée (pour seulement les absents).

Pour conclure, le jugement numéro 269/15 renvoie temporairement les membres du MNSD camp Albadé et leurs députés à l’opposition, donc à choisir de joindre le camp Seini s’ils veulent rester et continuer à agir au nom du MNSD jusqu’à ce qu’un juge de référé ordonne la suspension de l’exécution du jugement ou jusqu’à ce qu’un arrêt de la Cour d’Appel statue autrement.

Rabiou Yari

Ancien Maitre près la Cour Suprême du Niger

Maritime Transportation Specialist

Energy and Policy Specialist

Director and Founder

Federal Millennium LLC

www.federalmillennium.us

(Washington DC Region)

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