Quand le Saman menace la liberté d’expression…

En ce jour historique du 3 Mai dédié à la liberté de la presse, je viens de partager la vidéo du ministre de l’intérieur Mr Hassoumi Massaoudou, propos en cause dans la déclaration du syndicat des magistrats du Niger (Saman). Un syndicat qui jouit de l’estime de tout citoyen progressiste et attaché aux valeurs et principes démocratiques.
J’invite ceux qui n’ont pas écouté cette interview de s’imprégner de sa teneur en l’écoutant, car on fait la science toujours avec les faits, dit-on.
En effet, en réécoutant Massaoudou je n’ai senti rien de scandaleux, rien d’apocalyptique dans ses propos. Et qui plus est, il a parle en tant que Secrétaire général de son parti, le Pnds Tarayya.
Sur la question du Mnsd, il a dit en substance ce qu’Il pense: il prend acte de la décision de justice tout en réaffirmant leur soutien à leurs amis politiques notamment Albade et compagnies.
Sur l’affaire des bébés importés, Massaoudou dit que le juge s’est déclaré incompétent sans aller au fond du dossier. Et il a estime cela suspect de la part du magistrat. Peut être en sait-il quelque chose en tant que premier des flics du pays. Autrement dit, le fait que le juge se déclare incompétent n’entame en rien le fond du dossier, a en croire le ministre de l’intérieur. Et il a dit ce que des citoyens nigériens pensent et disent tout bas.

D’ailleurs ce débat est intéressant, puisqu’il nous permet de dire aux magistrats également de revoir leur copie. En effet, mis a part l’aspect politique, dirait-on, du dossier des bébés importés, comment admettre dans un pays comme le Niger qu’on se cache derrière un juridisme pour hésiter de réprimer un crime inacceptable par l’esprit de notre peuple? Si Hama Amadou doit prouver son innocence que dire de ceux qui ont avoue leur forfait ou dont les preuves sont établies que leur crime est constitue? Si la justice est rendue au nom du peuple nigérien, nul doute que notre peuple, notre religion, nos valeurs ne s’accommodent pas avec ces pratiques abominables.

Et l’autre intérêt de la plainte contre Massaoudou, c’est dire que s’il est établi que le magistrat en charge du dossier a effectivement une relation pouvant l’empêcher de dire le droit, il y a lieu de le savoir pour l’intérêt de notre peuple, de la justice tout court. Et on le sait, la loi donne la latitude au juge de se récuser pour être quitte avec sa conscience lorsqu’il peut être empêché d’être objectif, a dire le droit. Ce débat doit être fait au niveau des magistrats eux-mêmes car ils sont aussi faillibles et sensibles comme nous autres profanes du droit. Et je rappelle contrairement a ce que certains ont propage, Massaoudou n’a jamais dit dans cette interview ce que on l’a fait dire. C’est pourquoi d’ailleurs il faut écouter et réécouter ses propos a la source même.

En ce jour historique sur la liberté d’expression je me pose les questions suivantes:

1) le principe d’outrage a magistrat ou comme avant au chef de l’Etat ne constitue- t-il pas une menace pour la liberté d’expression?

2) Dans sa déclaration ou plainte le Saman poursuit en plus du ministre, le journaliste qui a interroge le ministre au lieu de la télévision employeuse du journaliste. Et le Saman précise bien que l’article a été publie sur Actuniger. Nous rappelons ici la loi dit qu’il faut poursuivre d’abord l’organe de presse ensuite le ministre et le journaliste comme complices en cas de crime ou délit par voie de presse. Je me demande si le Saman ne risque t il pas de poser un acte liberticide? Du moins faire une application partielle de la loi. Et jusqu’au aujourd’hui aucune structure de défense de la liberté de la presse n’a ose attirer l’attention de l’opinion que le Saman est en passe de faire un usage abusif ou sélectif de la loi.
C’est aussi le rôle des journalistes d’être vigilants sur ce détail car la liberté c’est une conquête, elle ne se donne pas, comme aime dire Sékou Toure. Ce n’est pas parce que c’est le Saman qu’on doit faire confiance absolue sans aucune vérification. Non. Chers confrères. Le fact checking doit s’appliquer a tous. C’est en cela que les medias contribueront à une gouvernance de qualité a tous les niveaux pour le bien du pays.

3) En démocratie le débat d’idées n’est-ce pas un moyen reconnu aux citoyens et de surcroit des hommes politiques pour enrichir ou améliorer la qualité d’une démocratie? Lorsque les hommes politiques et les citoyens en général ne peuvent plus exprimer leurs opinions sur des questions d’actualité, cela ne constitue t il pas une régression démocratique?
Je crois humblement que le débat contradictoire est l’essence même de la démocratie. Il prévient les conflits et il caractérise les sociétés modernes à la différence des sociétés traditionnelles ou le plus fort ou quelques uns seulement sont libres.

4) Lorsque l’opposition politique avait attaqué dans son livre blanc la Cour Constitutionnelle, le silence du Saman ne donne t il pas l ‘ occasion au régime en place a redire. Je le dis parce que je crois savoir, que sans vouloir faire une dichotomie, entre outrager un magistrat a comparer avec la Cour Constitutionnelle, il y a de quoi s’inquiéter sur l’attitude du Saman.

Il y a lieu en effet de dénoncer ici ce manquement grave de ce syndicat quand on sait que jusqu’a preuve du contraire que la présidente de la Cour Constitutionnelle est également une magistrate.

En un mot, je profite de cette journée de la liberté de la presse pour interpeler : journalistes, Société civile et acteurs politiques sur le péril que pourrait constituer toute menace a la liberté d’expression. Il nous faut interroger de manière critique les actes et attitudes des uns et des autres sans céder a la peur ni a l’intimidation de qui que ce soit. C’est ainsi seulement que nous aurions contribue a l’émergence de cette presse dont il est question dans le message des Nations-Unies a savoir: « Un journalisme de qualité permet aux citoyens de prendre des décisions éclairées quant au développement de la société…. »

Elh. Mahamadou Souleymane