La Mosquée d’Agadez : la vieille ville est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO

Des richesses méconnues et peu exploitées

Pays du Sahel à cheval entre l’Afrique subsaharienne et le Magreb, le Niger est un pays multiethnique qui regorge d’importantes richesses au plan culturel. L’art rupestre est un domaine culturel très riche et renseigne sur l’histoire de son peuplement.

Mais seulement cet aspect culturel reste méconnu du grand public malgré son importance pour la vie du pays qui n’est plus à démontrer. L’art rupestre, c’est un patrimoine culturel inestimable que nous fait connaitre l’Association Nigérienne pour la Préservation et la Valorisation de l’Art Rupestre du Niger ANIGOURANE.
Qu’est-ce que l’art rupestre ? Quels sont les éléments constitutifs de l’art rupestre ? Quels sont les différents sites d’art rupestre au Niger ? Pourquoi promouvoir l’art rupestre ? Autant d’interrogations évoquées avec Mme Karine Sidi, représentante de l’association ANIGOURANE pour découvrir, connaitre et comprendre l’art rupestre.
On désigne par  »art rupestre » l’ensemble des œuvres d’art réalisées par l’Homme sur des rochers, en plein air ou dans des grottes. Cette forme d’art occupe une part majeure dans l’art préhistorique, indique Mme Karine Sidi, qui ajoute qu’il existerait 45 millions de peintures rupestres sur des rochers et dans des grottes, réparties sur 170. 000 sites, et cela dans 160 pays à travers le monde.

C’est en Afrique qu’on recense le plus grand nombre de sites rupestres. Au Sahara, les gravures les plus anciennes pourraient dater de 12. 000 ans, a souligné Mme Karine Sidi. Ces peintures et gravures seraient les premières manifestations de l’art rupestre au Sahara.

Au Niger, les grandes girafes de Dabous dans la région d’Agadez sont datées de 6000 à 8000 ans.  »L’art rupestre, c’est notre histoire gravée dans la pierre », souligne Mme Karine.

On trouve dans l’Aïr toutes sortes de mammifères ayant vécu dans cet espace, immortalisés à travers les peintures et gravures rupestres. On peut notamment citer les girafes, les éléphants, les autruches, les lions dans l’Aïr, y compris sur le plateau de Bagzan où de belles gravures attestent de l’existence de ces animaux qu’on ne trouve de nos jours qu’à des centaines, voire des milliers de kilomètres. L’art rupestre est donc un véritable témoin de notre histoire. Une telle abondance de gravures et de peintures prouve que le Sahara fut longtemps un important centre de civilisation où avaient cohabité les êtres humains et les animaux.

Cette vérité a été depuis longtemps relayée par de grandes personnalités africaines parmi lesquelles on peut citer M. Koffi Annan qui, dans un de ses discours en 2005 à la Tribune des Nations Unies, disait que  »l’art rupestre d’Afrique est l’un des plus anciens et répandus témoignages de la pensée humaine ». Mais, avait-il prévenu,  »de nos jours, l’art rupestre africain est en grand danger ».

Il faut aussi rendre hommage et souligner le travail du Professeur et ancien ministre Boubé Gado qui a beaucoup œuvré dans la connaissance de l’art rupestre du Niger à travers de nombreux travaux de recherche documentés qu’il a menés.

Evoquant la question de l’existence des sites d’art rupestre au Niger, Mme Karine indique que dans notre pays, l’art rupestre est très fréquent et de très grande qualité. Il s’agit souvent de chefs-d’œuvre reconnus comme tels par tous les spécialistes.
Un inventaire exhaustif est certes difficile, mais Mme Karine parle d’au moins 100.000 gravures répertoriées au Niger.

On les trouve essentiellement dans le Massif de l’Aïr, le plateau du Djado et sur la vallée du Niger. Les principaux et plus beaux sites jusque-là découverts sont : les sites des grandes girafes de Dabous, de Iwelen, de Anakom, de Tanakomt, de Mamanet et de Tagueït dans le nord. Plus au sud, notamment à Kourki dans le département de Téra adossé au fleuve Niger, les gravures rupestres concernent surtout des scènes de chasse avec des  »équidiens » tricornes armés de boucliers ronds et de lances pourchassant des antilopes, des lions et peut-être des éléphants, avec au milieu de présentations symboliques très stylisées. Ce sont les gravures rupestres les plus septentrionales du Niger.
Dans le cadre de son travail d’identification et d’inventaire des gravures dans le Nord, l’association ANIGOURANE travaille actuellement avec la commune d’Iférouane pour recenser et protéger l’ensemble de l’art rupestre de la commune. Cet inventaire associe les communautés avoisinantes des sites d’art rupestre afin de faire prendre conscience de l’importance de ce patrimoine fragile et de la nécessité de protéger les gravures. Plus de 200 sites ont ainsi été répertoriés et documentés, et cet inventaire est loin d’être terminé, car cette zone cache encore de nombreux trésors méconnus.Promouvoir l’art rupestre

Pourquoi promouvoir l’art rupestre ? Mme Karine ne passe par quatre chemins pour dire que  »c’est parce que c’est l’histoire de l’Humanité qui est dessinée dans la pierre. Ce sont de très beaux témoignages des temps anciens, dessinés par de véritables artistes inconnus, ancêtres nigériens ». L’art rupestre fait partie intégrante du patrimoine national au même titre que les girafes de Kouré ou de la Mosquée d’Agadez, souligne-t-elle. Il est impératif de les promouvoir mais aussi de les protéger, ajoute-t-elle. Selon Mme Karine, à l’époque où la région d’Agadez accueillait encore des touristes, certains sites d’art rupestre comme ceux des girafes de Dabous, Anakom ou Tanakomt enregistraient plusieurs centaines de touristes par semaine. L’art rupestre est donc aussi un levier économique pour les populations.
Mme Karine appelle donc tous les Nigériens et Nigériennes à visiter les sites d’art rupestre, ceux de l’Aïr ou des régions du fleuve.  »Visiter, mais aussi protéger les sites, en ne touchant pas aux gravures pour ne pas les abîmer, en ne tentant pas de graver d’autres dessins sur les rochers proches des gravures, en ne polluant pas les sites de déchets plastiques », dit-elle.

Elle encourage par ailleurs les écoles et les centres de jeunes à organiser des visites scolaires sur les sites pour redécouvrir ces magnifiques images et faire honneur à nos ancêtres, et à ce patrimoine culturel nigérien si riche.
Les autorités sont très impliquées dans la protection et la valorisation du patrimoine, notamment à travers le PDES dont l’un des programmes est axé sur la valorisation du patrimoine. Dans ce travail, Mme Karine affirme bénéficier d’un grand soutien du Ministère de la Culture, des Arts et des Loisirs, de la Direction du Patrimoine Culturel et des Musées.
Un des grands objectifs de son association pour 2015 est d’obtenir le classement au Patrimoine National du site des Grandes Girafes de Dabous, à 130 km au nord d’Agadez, pour permettre sa protection et sa valorisation.
Pour bien réussir cet objectif, ANIGOURANE, a besoin de l’appui des partenaires et de l’Etat du Niger. Avec son partenaire l’association TARA (Trust for African Rock Art) basée au Kenya qui recense l’art rupestre en Afrique, ANIGOURANE prépare la réalisation et la diffusion d’un documentaire de 26 minutes sur l’art rupestre du Niger. Ce documentaire est financé par l’U.S Ambassadors Fund for Cultural Preservation (AFCP) et l’Ambassade du Grand-Duché du Luxembourg au Burkina Faso. La diffusion de cet élément sur les télévisions nationales est destinée au grand public et à toute la jeunesse nigérienne.
Une exposition aura lieu en décembre 2015 au Musée National Boubou Hama sur l’art rupestre du Niger. Ce sera l’occasion de découvrir toutes ces gravures incroyables, tout ce patrimoine si riche et si important pour comprendre notre histoire et notre évolution.
Les enjeux
Les principaux enjeux face à ce travail sont les grandes menaces qui pèsent sur cet art. Ces menaces résultent de l’action de la nature et des déprédations humaines. Par rapport à l’action de la nature les vents de sable et les pluies parfois violentes font peu à peu disparaître des œuvres d’art rupestre. Sous l’effet des changements brutaux de températures, des roches gravées se fracturent naturellement, entraînant la destruction d’œuvres millénaires.
Face à ces phénomènes, Mme Karine dit être impuissante. Les seules actions envisageables sont de répertorier les principaux et plus beaux sites dans des bases de données, afin que, même s’ils sont détruits, qu’il en subsiste la mémoire sous forme de descriptions, de dessins et de photographies. Des solutions existent contre les déprédations humaines. Le Niger a ratifié et mis en place un cadre législatif qui protège les biens culturels et naturels. Mais ce cadre législatif reste encore insuffisant et surtout mal connu.
Ali Maman(Stagiaire)(onep)