Cheikh Youssouf Hassane DIALLO © NigerInter.com

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO décrypte la situation du monde musulman

Conférencier international, Cheikh Youssouf Hassane DIALLO est fonctionnaire à l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI). De culture francophone et arabophone, il a joué un rôle décisif dans l’éveil de conscience des intellectuels musulmans en Afrique de l’Ouest à travers ses conférences dans les années 90 et au-delà. Dans cette interview, il a bien voulu analyser la situation du monde musulman dans les relations internationales notamment les crises en Syrie et au Mali, le terrorisme et l’islam, la question de la démocratie et des droits de l’homme etc. Ancien candidat à la présidentielle malienne, son analyse sur la crise au Mali est assez incisive et originale. Qu’il s’agisse de Boko Haram, de Daesh ou d’Alqaida, cet érudit et membre actif du Conseil des Oulémas d’Afrique, nous éclaire sur le vrai visage de l’islam qui se démarque tout naturellement du terrorisme et de la négation des droits humains. Interview.

 

Niger Inter : Vous êtes conférencier islamique  international. Aujourd’hui des groupes terroristes comme l’Etat islamique, Alqaida ou Boka Haram tuent « au nom de l’islam » . Quel commentaire vous inspire cette image que ces groupes donnent de la religion musulmane ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Entendons-nous là-dessus : tout acte contraire aux enseignements de l’islam ne peut engager l’islam même s’il est prétendument posé au nom de l’islam. D’où l’impérieuse nécessité de connaître l’islam vrai avant d’agir en son nom. Il s’agit donc de connaitre l’islam dans ses dimensions et dans ses finalités. C’est pourquoi en islam, la connaissance précède l’action. Dieu a dit à son Prophète : « Saches donc qu’en vérité, il n’y a point de divinité en dehors de Dieu et implore le pardon de ton péché, ainsi que pour les croyants et les croyantes », (Coran, Sourate : 47 ; Verset : 19). Il faut d’abord savoir qui est Dieu avant de l’adorer, l’imploration du pardon de Dieu citée dans ce verset, étant naturellement un acte d’adoration par excellence.

Niger Inter : Pourtant dans le monde Occidental c’est l’image de violence et de terrorisme  que certains ont de l’islam…

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Cela est tout à fait normal. Satan ne s’attaque jamais à ce qui est déjà mauvais puisque le mauvais lui est d’emblée acquis. Les forces sataniques – y compris celles qui évoluent dans les rangs des musulmans – s’efforcent en tout lieu et en tout temps, de projeter une image tronquée de l’islam, la religion authentique de Dieu et ce, dans le dessein inavoué d’en détourner les créatures de Dieu. Mais ces efforts sont et seront toujours vains, car personne ne peut éteindre la lumière de Dieu. Malgré cette diabolisation de l’islam et cette islamophobie ambiante artificiellement entretenues en particulier dans les sociétés occidentales, ce sont des sommités parmi les hommes et les femmes d’Occident qui, tous les jours, finissent par découvrir le vrai visage de l’islam et y adhérer massivement.

Niger Inter : D’un point de vue doctrinal peut-on justifier une guerre sainte ou Jihad aujourd’hui ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Le Jihad se définit comme étant « l’obligation faite aux membres de la communauté des croyants et des croyantes d’œuvrer sans cesse à créer les conditions propices permettant à tous les humains et à tous les djinns d’échapper aux griffes du Démon et de pouvoir accéder à Dieu le Seigneur des mondes qui leur ouvre le chemin de Son Paradis éternel». A travers cet effort – sens littéral du mot  » Jihad « , c’est donc l’expression la plus éloquente de l’altruisme qui se manifeste ici chez le croyant et la croyante. En effet, ils ne se contentent pas d’œuvrer pour acquérir le Paradis à leur seul bénéfice, mais ils doivent également faire de leur mieux pour sauver avec eux autant d’âmes que possible. On sait que cela a été d’ailleurs la mission de tous les Prophètes et Messagers de Dieu à travers la longue histoire de l’humanité.

En clair, il s’agit d’œuvrer à propager le message salvateur de l’islam partout sur la terre de Dieu pour qu’il soit accessible à tous les humains et à tous les djinns. La question n’a jamais été de forcer qui que ce soit à devenir musulman car le Coran dit sans ambigüité qu’il n’y a pas de contrainte en matière  de religion, mais de faire en sorte que chacun puisse avoir la possibilité et la liberté de découvrir et ensuite d’apprécier en toute conscience le message de l’islam.

Vue sous cet angle, cette mission du Jihad ne devrait jamais s’arrêter. Toutefois, la révolution opérée par les technologies de l’information et de la communication permet aujourd’hui aux musulmans d’accomplir cette obligation du Jihad tel que défini plus-haut sans parcourir des distances et sans avoir à prendre des armes pour se défendre militairement contre des ennemis physiques qui seraient amenés à leur ériger des barrières sur la voie de la transmission pacifique du message de l’islam. C’est ainsi que cette mission de faire connaitre aux autres le contenu du message de l’islam pourrait être accomplie aujourd’hui à travers les seuls moyens d’information toujours de plus en plus sophistiqués dont disposent de nos jours l’humanité.

Niger Inter : En islam il y a une certaine éthique de la guerre mais on se rend compte à l’évidence que ces terroristes n’épargnent personne (ni enfants, ni femmes, ni ressources naturelles etc.). Avez-vous un commentaire sur cet état des faits ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : A partir du moment où la connaissance des dimensions et des finalités de l’islam fait défaut, on ne peut plus  s’attendre à une quelconque éthique de la part  de ces gens. Pour vous citer à titre d’exemple, une seule des multiples finalités de l’islam,  il y a le fait que l’islam est toute miséricorde et que de ce point de vue, il affirme le caractère sacré de la vie qui ne peut donc s’ôter injustement. Il ne s’agit pas d’ailleurs, de la seule vie humaine mais également de celles des animaux et des végétaux. C’est pourquoi il est interdit en islam de tuer un animal ou de couper une plante sans raison, quand bien même les animaux et les végétaux ont été mis par Dieu à la disposition de l’Homme pour l’aider à accomplir la mission de lieutenance que Dieu lui a confiée sur terre. Le Prophète nous a parlé de cette femme qui s’est retrouvée en Enfer parce qu’elle a emprisonné et laissé mourir un chat. Il a évoqué également une autre femme (pourtant de mauvaises mœurs) qui a bénéficié du Paradis parce qu’elle était descendue dans un puits pour puiser de l’eau dans sa chaussure afin d’abreuver un chat assoiffé en détresse.

Niger Inter : Pensez-vous que le dialogue est possible avec ceux qui nient les droits humains ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : En tous les cas, les droits humains sont naturels et sacrés et personne n’a le droit d’en priver l’être humain.

Niger Inter : Ces conflits fratricides entre musulmans retardent le développement du monde musulman qui dispose d’énormes ressources naturelles où les Etats se trouvent contraints de recourir à la course aux armements pour assurer leur sécurité. Quand on voit les armements dont disposent également ces terroristes comment expliquez-vous le fait que ces sectes arrivent à mettre en déroute des armées régulières ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Cette question relève de l’analyse des spécialistes du génie militaire.

Niger Inter : Le conflit syrien met en évidence l’échec de la diplomatie du monde musulman d’une part et mondiale d’autre part. Avec le recul, selon vous quels sont les ratés de la diplomatie internationale sur la guerre civile en Syrie ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : D’une simple revendication démocratique tout à fait légitime du peuple syrien  qui vit depuis plus d’un demi-siècle sous une des dictatures les plus abjectes exercée par une famille (les Assad) appartenant à une secte minoritaire chiite (les Nouçayrites) dans un pays à majorité sunnite, le printemps arabe en Syrie s’est transformé en cauchemar non pas pour les seules populations déshéritées syriennes, mais également pour l’ensemble du Moyen-Orient, voire du monde tout entier avec le plus grand flux de réfugiés en direction de l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, sans compter les drames inédits de naufrages de masses qui continuent de secouer ce qui reste de la conscience humaine.

A mon avis quatre facteurs ont joué en faveur du prolongement de cette malheureuse crise syrienne :

  1. L’entêtement fanatique de l’Iran et de ses acolytes chiites du Hizboullah libanais et autres à en faire une guerre sectaire entre le sunnisme et le chiisme et leur refus catégorique de trouver une alternative au maintien au pouvoir du sanguinaire dictateur.
  2. L’attachement aveugle de la Russie à ses intérêts économiques et idéologiques égoïstes au détriment de la survie du peuple Syrien martyr et de son droit à la liberté et à la dignité.
  3. Le peu d’intérêt des pays occidentaux vis-à-vis de tout ce qui touche aux sort des peuples musulmans surtout quand ils pensent que l’affaiblissement de la Syrie permet de renforcer et de sécuriser davantage Israël, leur enfant chéri.
  4. La désunion et le manque de visibilité et parfois de vision chez les principaux pays sunnites que sont l’Egypte, la Turquie, l’Arabie Saoudite et les autres pays du Golfe.

Niger Inter : Dans ce conflit dès le départ certains pays musulmans avaient opté pour la guerre au lieu du dialogue. Peut-on dire que la Syrie n’est qu’une épreuve de plus pour l’unité du monde musulman ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Oui, c’est une terrible épreuve qui est venue s’ajouter aux autres blessures béantes dont souffre le monde musulman. Ceux qui ont opté pour la guerre au lieu du dialogue, ce sont, de toute évidence, l’Iran et ses acolytes chiites du Hizboullah libanais et autres – comme je l’ai déjà dit – parce qu’ils savent que des élections libres et transparentes feraient certainement partir le boucher Bachar Assad et sa minorité Nouçairite chiite du pouvoir. Or pour l’Iran, il ne saurait être question de quelqu’un d’autre qu’un chiite pour diriger la Syrie comme c’est le cas en Irak.

Niger Inter : Un autre paradoxe du monde démocratique c’est la situation égyptienne. Un coup d’Etat a été proprement perpétré contre Mohamed Morsi démocratiquement élu par son peuple. N’est-ce pas là une manifestation de l’hypocrisie de la Communauté internationale qui fait du chantage aux pays pour la promotion de la démocratie et les droits de l’homme ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Pour la Communauté internationale, la démocratie est un luxe auquel les musulmans n’ont pas du tout droit. Le corollaire de ce déni de démocratie entretenu dans le monde musulman avec la complicité de ce qu’on appelle la Communauté internationale, c’est justement ce dont nous avons parlé plus-haut, à savoir la frustration, la radicalisation et le recours à la violence à travers l’émergence de groupes armés toujours plus radicaux les uns que les autres. On n’a pas besoin d’être expert pour le comprendre.

Niger Inter : La situation d’insécurité au Mali, au Niger et dans la sous-région vous intéresse certainement. Quelle appréciation faites-vous de la crise malienne qui a failli du reste remettre en cause l’existence même de l’Etat malien ?

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Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Le Mali est un pays très riche par son passé, son patrimoine culturel, sa civilisation, son peuple, ses ressources naturelles et sa situation géostratégique charnière entre l’Afrique subsaharienne et le monde arabe. Mais c’est aussi un pays qui, depuis son accession à l’indépendance en 1960, peine à se réconcilier avec les valeurs de civilisation qui ont fait sa grandeur d’antan et à renouer avec les brillantes performances de son glorieux passé. Ainsi, depuis des décennies, le Mali est éprouvé par une mal gouvernance endémique qui en a fait un bateau ivre sans gouvernail et sans boussole, incapable de se trouver une direction stable.

Cet état de fait intenable engendré et entretenue par des politiciens véreux, a eu pour conséquence logique les événements de mars/avril 2012 qui ont plongé le pays dans une crise sans précédent. La situation du Mali qui était jusqu’alors alarmante, est devenue tout simplement chaotique. En effet, le pays s’est trouvé divisé en deux parties. Le Nord couvrant environ les 2/3 du territoire national s’est retrouvé dans les mains de deux mouvements rebelles armés, à savoir le Mouvement Ansār ad-Dīne (se revendiquant de l’islam) et le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) d’obédience laïque. Pendant ce temps, la partie sud du pays abritant la capitale Bamako, gémissait sous un tiraillement impitoyable entre, d’une part, les mêmes politiciens indélicats dont les 50 ans de gestion calamiteuse sont à la base du chaos actuel et d’autre part, les membres de la junte militaire qui, le 23 mars 2012, avait renversé le régime alors agonissant du président Amadou Toumani Touré.

Pour y avoir participé, les membres de la classe politique sont presque tous solidairement responsables de la gestion désastreuse du régime de l’ancien président Amadou Toumani Touré qui a consacré la chute vertigineuse du Mali dans le précipice.

Selon la lecture qu’on pouvait faire alors  à prime abord de la situation du Nord du Mali, il semblerait que certains pays occidentaux dont la France du temps de Sarkozy, étaient favorables à la partition du pays et à l’indépendance du Nord tant que le MNLA était à la tête de l’irrédentisme touareg. Mais après la sécession du Nord, un élément inattendu avait fait irruption sur la scène, à savoir la montée en puissance du Mouvement Ançâr ad-Dîn militairement plus puissant que le MNLA et qui, après avoir évincé ce dernier de toutes les grandes localités du Nord, avait annoncé qu’il s’opposait à la partition du Mali et voulait l’application de la charia sur toute l’étendue du territoire malien.

Il y a eu donc la question de la place de l’islam dans le système de gouvernance du Mali qui s’est invitée subitement et avec force dans cette crise malienne, devenant du coup, une crise plutôt identitaire, voire une crise de valeurs quand on sait le rôle central que l’islam a joué à travers les siècles pour mouler la civilisation de ce vieux pays peuplé actuellement à 95% de musulmans.

C’est ce qui explique qu’aujourd’hui au Mali, beaucoup de gens pensent que la seule explication logique à cette mise à mal subite des fondements de l’Etat que sont l’intégrité territoriale, l’unité nationale, les forces armées et les autres institutions de la République, est que les Maliens se sont éloignés de la voie de Dieu en méprisant les enseignements de l’islam, toute chose qui leur a valu ce châtiment divin, d’où la nécessité pour tous de se repentir et de revenir au Seigneur Très-Haut.

Une chose reste certaine, c’est que les Maliens ont perdu tout espoir en la capacité des politiciens actuels et de tous leurs acolytes, à diriger le Mali. Ils appellent de tous leurs vœux l’émergence d’une nouvelle race d’hommes politiques ayant les qualités requises pour aider le Mali à renaitre de ces cendres. En effet la crise des valeurs et son corollaire la crise identitaire, avaient engendré une crise de leadership au Mali.

C’est dire que la situation de déliquescence qui s’est développée au Mali ces vingt dernières années pour atteindre son paroxysme en 2012, en dépit de son lot d’épreuves, pourrait être perçue sous un autre angle comme étant une manifestation de la miséricorde de Dieu, en ce sens qu’elle a envoyé un signal fort à l’adresse du peuple malien pour lui permettre de se ressaisir et surtout de se libérer du joug et de l’emprise des agendas étrangers. En effet, en 50 ans de soumission du Mali au dictat de ces agendas étrangers, le bilan des dégâts est extrêmement lourd : dès l’accession supposée du pays à l’indépendance le 22 septembre 1960, au sortir de 70 ans d’une colonisation française des plus aliénantes et des plus humiliantes qui ait pu s’imposer à une nation, le premier président de la République Modibo Keita (sans aucune consultation préalable du  peuple croyant du Mali et au mépris de toutes les valeurs sociétales héritées par les populations maliennes à majorité écrasante musulmane), n’avait pas trouvé mieux que d’imposer par la force du fusil l’option socialiste pure et dure (à la Staline) au nouvel Etat naissant. Par la grâce de Dieu, ce dictateur ne fera pas long feu car 8 ans plus tard, le 19 novembre 1968, il fut déposé par un groupe de jeunes officiers de l’armée malienne sous la conduite d’un certain lieutenant Moussa Traoré. Malheureusement, c’était un autre régime autocratique qui venait de se mettre en place, cette fois pour une durée de 23 longues années jusqu’à son renversement par un soulèvement populaire le 23 mars 1991.

Ces deux régimes sanguinaires avaient fait accuser au Mali un retard cumulé criard de plus de 30 ans, dans tous les domaines du développement. A partir du 23 mars 1991, on avait pensé qu’un nouveau soleil allait se lever sur le Mali et qu’une nouvelle ère de progrès, de prospérité, de démocratie et de bien-être allait s’instaurer dans le pays. Pourtant le multipartisme avait été bel et bien instauré, une nouvelle constitution avait été promulguée, des élections qu’on qualifiait de libres et transparentes avaient été organisées. Ce scenario a duré jusqu’au 23 mars 2012 (21 ans jour pour jour). Ce jour-là, les Maliens ont fini par se rendre à l’évidence que tout cela n’était que folklore et mises en scène. En réalité, seuls les agendas étrangers avaient tiré leurs épingles du jeu. Les exemples sont très nombreux et ce n’est peut-être pas le lieu de les citer.

Tel était donc l’état des choses au Mali jusqu’aux événements de mars 2012 qui ont précipité le pays dans le chao que l’on sait et dont le pays continue encore aujourd’hui de trainer les séquelles.

Niger Inter : Comment entrevoyez-vous alors la solution durable à ce problème malien ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Les crises maliennes ont pour racine fondamentale la mal-gouvernance et donc le mauvais leadership (au nord comme au sud, dans l’armée comme dans la société civile).

La solution c’est donc un leadership nouveau qu’il faudra pour le Mali pour jeter les bases d’une nouvelle citoyenneté et donc d’un pays qui va croitre de nouveau sur le socle de la confiance indispensable entre la base et le sommet.

Niger Inter :             Boko Haram sème la terreur au Nigeria, au Niger, au Cameroun et au Tchad. Etes-vous surpris de l’apparition subite de cette organisation tentaculaire dans la sous-région ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : On le dira jamais assez, l’apparition des groupes extrémistes dans le monde musulman est le résultat logique de la mal-gouvernance endémique qui a gangrené les pays de la Oummah islamique. L’injustice, le déni de liberté dont souffrent les citoyens de ces pays, l’irresponsabilité, l’absence de vision et la soumission aux agendas étrangers qui caractérisent leurs dirigeants, sont à la base des frustrations qui révoltent certaines franges de leurs populations, en particulier les jeunes qui sont ainsi poussés à leur corps défendant vers la radicalisation. C’est ce terreau qui a donné naissance à tous ces mouvements extrémistes que sont « Al-Qaïda »,          « Daech », « Boko Haram », « Mujao » etc…

Que Dieu nous protège. ..

Niger Inter :             Quel commentaire faites-vous de la défaite de l’armée nigériane face à ce groupe terroriste quand on sait que l’armée nigériane serait la 4ème armée puissante en Afrique ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : A mon avis, la raison est évidente. Elle est la même, c’est-à-dire la mal-gouvernance et la gestion mafieuse de l’armée nigériane gangrenée par la corruption et l’irresponsabilité, ce qui a sérieusement mis à mal la motivation, la discipline et le respect de la hiérarchie, choses indispensables pour l’efficacité de toute armée.

Niger Inter : Le film documentaire « limpide dans la noirceur du siècle » rend hommage à Roger Garaudy comme étant l’un des plus grands philosophes du 20ème siècle mais censuré et persécuté. Trois ans après la disparition de ce philosophe musulman quel souvenir avez-vous de ce militant du dialogue des civilisations ?

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : J’ai découvert Roger Garaudy, alors que j’étais encore étudiant au début des années 80. Je l’ai d’abord connu à travers ses livres comme :

  1. « Parole d’homme », Paris, Robert Laffont, 1975,
  2. « Le Projet espérance », Paris, Robert Laffont, 1976,
  3. « Pour un dialogue des civilisations » Paris, Denoël, 1977,
  4. « Appel aux vivants », Paris, Le Seuil, 1979,
  5. « Promesses de l’Islam », Paris, Le Seuil, 1981,
  6. « L’Affaire Israël : le sionisme politique », Papyrus, 1983,
  7. « Pour un Islam du XXe siècle (Charte de Séville) », Paris, Tougui, 1985.

J’ai ensuite eu l’honneur de le rencontrer- je crois- en 1985 lorsqu’il était venu donner une conférence dans mon université (l’Université du Roi Abdelaziz à Djeddah en Arabie Saoudite), après sa conversion à l’islam. C’était à l’initiative du Secrétaire général de l’OCI de l’époque le tunisien Habib Chatti qui était même en sa compagnie et qui avait intervenu pendant la soirée. Je me souviens avoir eu un échange avec lui après la conférence sur le thème abordé et sur certains sujets contenus dans ses livres que j’avais déjà lus. J’avoue que ce philosophe m’a beaucoup marqué. Je peux dire que son cheminement vers l’islam a beaucoup conforté ma foi en cette religion dans laquelle j’étais né mais que j’avais besoin de comprendre davantage en tant qu’intellectuel formé initialement à l’école occidentale avant de me rendre en Arabie Saoudite pour m’ouvrir sur la culture arabo-islamique.

Après, j’ai continué à le lire à travers ses nouveaux écrits toujours aussi impressionnants que les premiers jusqu’au dernier livre lu de lui, à savoir «Biographie du XXe siècle », Paris, Tougui, 1985, considéré comme son testament philosophique. J’ai été consterné de le voir attaqué de toutes parts par des milieux qui lui en voulaient, en fait, à cause de ses postions pro-islamiques, notamment sa défense de la cause palestinienne et ses condamnations des politiques israéliennes à l’égard des palestiniens. Mais j’ai été davantage déçu par l’abandon dont il avait l’objet de la part du monde musulman dont il défendait les causes.

Niger Inter : Pourtant des sommités morales à l’instar de l’Abbé Pierre, le père Michel Lelong avaient attiré l’attention sur le sort injuste réservé à Roger Garaudy de son vivant même. Comment expliquez-vous le fait que la France de la  Liberté, Egalité et Justice  ait pu réserver un tel sort à un de ses valeureux fils ?

 

Cheikh Youssouf Hassane DIALLO : Je n’ai pas été surpris outre mesure du sort tout à fait injuste réservé à Roger Garaudy comme l’ont si bien noté des personnalités françaises comme l’Abbé Pierre et le Père Michel Lelong. Après sa conversion à l’islam, Garaudy ne devrait plus appartenir, aux yeux de ses détracteurs de l’Hexagone, à l’identité culturelle française telle qu’ils la percevaient, quitte à renoncer du coup au sens de la devise même de la France « Liberté, Egalité, Fraternité » qui octroie à chaque citoyen toutes ses libertés, dont la liberté de conscience, tout en restant l’égal et le frère des autres citoyens de la République

Propos recueillis par Elh. Mahamadou Souleymane