Hama Amadou: «J’ai l’intention de rentrer et faire campagne au Niger»

L’opposition nigérienne s’organise avant la présidentielle, prévue dans six mois. Dimanche 14 septembre, l’ancien Premier ministre Hama Amadou a été investi candidat lors du congrès de son parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden), à Zinder. Le problème, c’est que le numéro un de l’opposition vit en France depuis un an. Depuis son lieu d’exil, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Le Niger est un îlot de stabilité dans une région extrêmement troublée. Que pourrez-vous faire de mieux si vous êtes élu ?

Hama Amadou : Il y a les apparences de la stabilité et la stabilité réelle. Aujourd’hui, le Niger vit dans une situation de précarité du point de vue de la sécurité qui est réelle. Demandez un peu leur avis aux populations de Diffa, elles vous diront.

Mais tout de même, le pouvoir n’a-t-il pas réussi à faire reculer Boko Haram dans la région de Diffa ?

Boko Haram fait toujours des incursions dans la région de Diffa.

Oui, mais moins qu’avant…

D’une manière générale, Boko Haram a fait preuve d’une accalmie générale sur tous les fronts. Mais il faut se méfier. Personne ne sait ce que Boko Haram réserve aux Etats après s’être remis à l’œuvre.

Vous êtes poursuivi par la justice nigérienne pour complicité dans une affaire de trafic de bébés achetés au Nigeria. C’est pourquoi vous vivez en exil en France depuis un an. C’est pourquoi, aussi, votre parti, le Moden, vous a investi candidat en votre absence lors d’un grand congrès ce dimanche à Zinder. Comment allez-vous faire pour faire campagne depuis Paris ?

J’ai bien l’intention de rentrer faire campagne au Niger. Contrairement aux allégations de Hassoumi Massaoudou, ministre de l’Intérieur du Niger, qui prétend que dès que je mettrai le pied au Niger, il va m’arrêter. Ce dont je ne doute pas d’ailleurs. Et bien, j’irai au Niger et je lui donne l’opportunité de m’arrêter.

En ce qui concerne le dossier judiciaire, un processus est engagé et je n’ai aucun doute que si la vérité juridique est respectée, je n’ai aucune inquiétude à me faire par rapport à ce dossier. Mais vous avez déjà entendu Hassoumi Massaoudou, le prétendu ministre de l’Intérieur, déclarer que je serai condamné. Donc, quand le ministre de l’Intérieur, qui n’est pas juge, déclare à l’avance qu’un citoyen sera condamné, cela veut dire qu’il n’y a pas de justice.

Ce qui est sûr, c’est que Cour d’appel a confirmé les poursuites à votre encontre il y a quelques semaines et que, si demain vous rentrez à Niamey, vous risquez en effet, d’être mis en prison…

La Cour d’appel a infirmé la décision du premier juge, mais les avocats ont fait un pourvoi en cassation. En conséquence, la procédure n’est pas à son terme. Mais dans tous les cas, je vais rentrer.

Il y avait du monde à votre congrès ce dimanche à Zinder. Cette démonstration de force, est-elle une façon de préparer votre retour ?

C’est la démonstration que, malgré mon absence, le parti se porte très bien et que le parti est déterminé, quelles que soient les méthodes de persécution et les mesures vexatoires prises à son encontre, et qu’il se battra pour que l’alternance ait lieu.

Vous craignez moins pour votre sécurité qu’il y a un an ?

Je crains toujours pour ma sécurité, mais si les adhérents du parti se sont mobilisés en force pour faire appel à moi pour représenter le parti aux élections, il est de mon devoir de répondre à leur appel et d’être présent sur le terrain.

Et ce retour, c’est pour quand ?

Très bientôt.

Avant la fin du mois ?

J’ai dit : très bientôt.

Selon le protocole additionnel de Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) de 1993, les candidats à une présidentielle ne peuvent être inquiétés pour des raisons extrapolitiques dans les six mois qui précèdent un scrutin. Votre candidature est-elle une manière de vous mettre sous la protection de la Cédéao ?

Si le traité le prévoit, je suis donc sous la protection de la Cédéao désormais. Donc, j’espère bien que le gouvernement nigérien respectera ce traité international qu’il a fait ratifier par l’Assemblée nationale. Je serai par conséquent au Niger pour participer aux élections. Que ce soit en prison ou hors de prison, parce que la preuve a été donnée que mon parti est déterminé à se battre. Si je suis en prison, c’est un stimulant supplémentaire pour eux, pour se battre pour que je gagne et que je sorte de prison.

Tout cela veut dire que, finalement, vous êtes prêt à participer à un scrutin dont vous estimez peut-être que les conditions vont être transparentes…

Je pense que les conditions ne seront pas transparentes, mais mon parti, comme tous les partis de l’opposition, est déterminé à se battre pour que la transparence s’impose à Mahamadou Issoufou. Et cette vérité, c’est qu’il sera battu.

Donc, vous ne boycotterez pas, le Moden ne boycottera pas le scrutin ?

Aucun parti de l’opposition, aucun leader de l’opposition ne boycottera les élections.

Le ministre de l’Intérieur, Hassoumi Massaoudou, affirme que vous n’avez pas de projet démocratique, que vous êtes dans une logique insurrectionnelle et que vous préparez le putsch…

Hassoumi Massaoudou dit n’importe quoi. Chacun le sait au Niger. Et comme lui-même est putschiste et que son parti a toujours été putschiste, ils considèrent que tout le monde est comme eux. Mais je suis désolé. Les faits plaident en notre faveur. Les longues années où nous avons géré le pouvoir, pendant qu’ils étaient dans l’opposition, ont parfaitement démontré aux Nigériens que nous sommes démocrates et que eux, ce sont des agents de la déstabilisation permanente du Niger.

Ce dimanche, le congrès de votre parti, le Moden, a fait l’objet d’un reportage sur la télévision nationale du Niger. N’est-ce pas la preuve que vos adversaires sont démocratiques ?

Après cinq ans, c’est bien une première. Et c’est avec un grand étonnement, que quelques images de notre congrès sont passées sur Télé Sahel. A quelles fins ? Peut-être parce qu’ils veulent coûte que coûte donner une idée de décrispation. Mais je n’y crois pas. Personne d’ailleurs ne croit à ce qu’ils font. Quand on me dit qu’ils sont démocrates, ça m’étonne et j’en ris.

Par Christophe Boisbouvier

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