Luttes de positionnement

Le plus important n’est sans doute pas le sort de M. Ibrahim Yacouba, collaborateur très proche du chef de l’Etat, dans l’affaire de l’exclusion de ce cadre du parti chef de file de la mouvance présidentielle, le PNDS Tarayya. Ce qui a été révélé il y a une semaine par la décision et les propos particulièrement durs du parti, c’est la guerre de positionnement, en vue des prochaines élections, entre les apparatchiks du parti de la génération des fondateurs et des jeunes loups aux dents longues. Tout parti aspire à se renouveler dans l’harmonie, et doit d’ailleurs forcément le faire de manière régulière et progressive, car en vie politique, sclérose est régression.

Le PNDS, rappelons-le, a maintenant vingt-cinq ans d’âge. Créé à partir de groupuscules issus de différents mouvements scolaires du début des années 70 et 80, il a été bâti sur la base commune d’une sensibilité politique de gauche et l’appel à la lutte démocratique. La discipline qui y a été observée depuis la création repose sur les liens amicaux et étroits entre les pères fondateurs, leur sens de l’organisation et leur vision. C’est elle qui a permis au parti de gagner du terrain et des voix, en restant déterminé, solide et uni en toutes circonstances, celles-ci n’ayant pas toujours été heureuses, il faut le dire.

Depuis l’élection de Issoufou Mahamadou à la magistrature suprême du Niger en 2011, la question du renouvellement est au cœur du débat. La présidence du parti a certes été confiée à M. Bazoum Mohamed et personne n’y a vu un inconvénient, en fait parce que l’ancien ministre des affaires étrangères était vice-président auparavant, et Issoufou reste candidat pour une réélection à la présidence de la République en 2016.

Mis à part cela, la guerre fait rage : dividende du vainqueur, le parti au pouvoir a toujours de nouveaux adhérents, alliés ou ralliés, souvent issus de la société civile (comme Ibrahim Yacouba), qu’on se presse de satisfaire ou de fidéliser pour consolider la stabilité, souvent au grand dam des militants de la première heure, ceux qui justement ont fait du parti ce qu’il est devenu ;  au PNDS, les apparatchiks ont du mal à céder la place, comme le prouve la présence dans le gouvernement, en 2015 encore, de ministres qui l‘étaient déjà en 1992 et 1993. Ce ne sont peut-être pas des papys en âge, mais tout de même ! Qui peut empêcher à de jeunes générations, qui se sont battues aussi avec les moyens de leur temps, d’avoir de l’ambition ? Qui les traiterait d’incapables après avoir bénéficié de leurs suffrages, en promettant de leur confier les rênes du pays demain ? C’est quand, demain ?

Même s’il n’est entré que tout récemment au PNDS, Ibrahim Yacouba est un représentant d’une frange de cette nouvelle génération. Qui est un peu trop pressé comme beaucoup de « jeunes », qui  a ses méthodes, pas toujours fines et loyales. Mais il faut de tout pour faire un monde, et le monde change. Ibrahim Yacouba fait sa promotion bien sûr, mais il fait aussi celle du Président ! Qui peut le nier ? Il distribue de l’argent et des cadeaux en nature aux populations de l‘Arewa pour les soudoyer ? Oui, mais a-t-on demandé ce qu’en pensent les bénéficiaires ?

Comme avec Ibrahim Yacouba, il y aura d’autres épisodes de cette lutte de positionnement, où (presque) tous les coups sont permis et chacun se défend comme il peut.

Ce sont des phénomènes qu’il faut cependant gérer avec tact. Le but étant que sur le terrain, le bilan se limite à des victimes expiatoires et que la mobilisation en faveur de la candidature du président n’en pâtisse pas.

Maï Riga (Le Républicain du 3 septembre 2015)