Côte d’Ivoire : la justice française émet un mandat d’amener contre Guillaume Soro, actuellement à Paris

Les avocats de Guillaume Soro ont dénoncé lundi le mandat d’amener émis par la justice française à l’encontre du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.

Un mandat d’amener a été émis par la juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris, Sabine Kheris, dans le cadre de l’affaire qui l’oppose à Michel Gbagbo. Incarcéré à la fin de la crise postélectorale de 2010-2011 sous la surveillance de membres de l’ex-rébellion des Forces nouvelles, le fils de l’ex-président Laurent Gbagbo avait porté plainte en juin 2012 contre dix anciens comzones et Guillaume Soro pour « traitement dégradant et inhumain ».

Dans le cadre de cette procédure, ce dernier avait reçu fin septembre une convocation de la même juge l’invitant à se présenter en tant que « témoin assisté » le 21 octobre. Une convocation à laquelle il n’avait pas répondue pour cause de contexte politique chargé dans son pays. La présidentielle en Côte d’Ivoire, ayant eu lieu, quelques jours plus tard, le 25 octobre.

« Immunité diplomatique »

Ses avocats français, Me Benoit et Me Mignard, dénoncent dans un communiqué publié en fin de journée « un mandat délivré en méconnaissance des pratiques et usages diplomatiques admis et reconnus », alors que leur client se trouve en France en mission, d’une part pour rencontrer ses homologues français (le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, et le président du Sénat, Gérard Larcher) et d’autre part pour prendre part à la Conférence sur le climat (COP21), en tant que représentant de la Côte d’Ivoire « dûment mandaté par le président de la République de Côte d’Ivoire et par l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ». Selon eux, il bénéficie donc entièrement d’une « immunité diplomatique ».

Guillaume Soro se trouve depuis quelques jours en France

Selon plusieurs sources, une dizaine de gendarmes se sont rendus ce lundi matin au domicile francilien de Guillaume Soro, sans que l’intéressé n’y soit présent. Réplique de son avocat, Me Benoit, interrogé par Jeune Afrique : « Étant donné que Mr Soro n’a pas de domicile en France, nous sommes réellement surpris par cette information et par la disproportion dans les moyens déployés pour une personne qui n’est que témoin assisté dans cette affaire. »

Guillaume Soro se trouve depuis quelques jours en France – après avoir effectué un voyage au Royaume-Uni, afin d’y rencontrer les autorités parlementaires du pays. Il a enchaîné les rencontres avec les parlementaires français mais aussi avec les autorités ivoiriennes, (le président Alassane Ouattara séjournait en France jusqu’à ce weekend, mais aussi le président du PDCI-Rda, Henri Konan Bédié). Il n’a pour le moment pas encore réagi personnellement. Selon l’un de ses conseillers, « il est serein », il tweete même :

« Mr Guillaume Soro a une confiance totale en la justice française. Il déposera d’ailleurs dans les plus brefs délais une plainte pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de Michel Gbagbo et tous autres », explique son avocat Me Benoit.

Du côté du plaignant, on affirme que la procédure judiciaire suit « normalement son cours ». « La délivrance de ce mandat d’amener n’est pas du tout choquante, bien au contraire. Étant donné qu’il n’a pas répondu à la convocation de la juge, celle-ci utilise simplement les moyens qui sont à sa disposition afin de pouvoir l’entendre. Rien d’exceptionnel dans cette situation. D’ailleurs, tout cela aurait pu être évité s’il avait simplement répondu aux convocations de la juge.»

Reste une question : Guillaume Soro, qui comptait rentrer dans les prochains jours à Abidjan, peut-il concrètement être empêché de quitter le territoire français ?

DU POINT DE VUE DE SORO

Vu à Paris le 4 décembre dernier, Guillaume Soro se savait sous la menace d’un rebondissement de la procédure judiciaire introduite par Michel Gbagbo. L’Ivoirien a même laissé entendre qu’il préparait une contre-attaque judiciaire avec ses avocats, sans plus de détails. Sur le fond de l’affaire, il estimait cette procédure motivée par la « haine » que lui voue le camp du président déchu, Laurent Gbagbo.

Car, selon lui, « l’arrestation de Gbagbo et de sa famille s’est déroulée en direct à la télévision. Tout le monde a vu ce qu’il s’est passé. Son fils Michel a ensuite déposé une plainte pour enlèvement et séquestration car il considère que les forces qui l’ont arrêté étaient des forces irrégulières. Mon Dieu, si on avait laissé Michel Gbagbo dans la rue, la foule l’aurait lynché ! » a-t-il plaidé. Il a également rappelé que le parquet avait clos l’affaire en 2012, au nom de la souveraineté de l’État de Côte d’Ivoire. Le plaignant ne s’est pas avoué vaincu et s’est constitué partie civile. Il a fini par trouver une juge, Sabine Kheris, qui a décidé de faire prospérer l’affaire.

Georges Dougueli  et   Haby Niakate

Jeune Afrique