INVESTITURE DE MAHAMADOU ISSOUFOU : L’opposition peut faire le deuil de sa transition

Mahamadou Issoufou, fraichement réélu pour un second mandat de cinq ans, s’est prêté le 2 avril dernier au rituel d’investiture. La cérémonie, patronnée par la Cour constitutionnelle, a enregistré la présence de 10 chefs d’Etat dont les voisins immédiats de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). A ces derniers se sont associés Obiang Nguéma de la Guinée équatoriale, Sassou Nguesso du Congo et Idriss Deby du Tchad. Il faut noter que ce dernier est par ailleurs président en exercice de l’UA (Union africaine). En somme, une cinquantaine de délégations venues d’Afrique et d’ailleurs a jugé nécessaire de faire le déplacement de Niamey pour honorer le Niger et celui qui va en assurer la gouvernance pour les 5 ans à venir. Comme l’on pouvait s’y attendre, la cérémonie d’investiture a été boycottée par l’opposition. Mais Mahamadou Issoufou peut se réjouir de la qualité de ses pairs qui étaient à ses côtés au palais des sports de Niamey pour partager sa joie ainsi que celle du Niger.

La présence massive de ses voisins de la CEDEAO peut être décryptée comme une caution à la réélection de Issoufou

Il est vrai, dans ce parterre de chefs d’Etat, figuraient des cancres de la démocratie (suivez notre regard) mais dans leur écrasante majorité, ceux qui étaient présents à Niamey peuvent à juste titre revendiquer le label de bons démocrates dans leurs pays respectifs. L’on peut citer pêle-mêle le Sénégalais Macky Sall, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré ou encore l’Ivoirien Alassane Ouattara. Et la cerise sur le gâteau est que ces derniers partagent avec le Niger la même communauté de destin dans le cadre de la CEDEAO. Le gratin de cette structure était donc présent sur les bords du fleuve Niger pour vivre en live la cérémonie. De ce point de vue, Mahamadou Issoufou peut se réjouir d’avoir réussi un grand coup diplomatique. En effet, la présence massive de ces voisins immédiats de la CEDEAO peut être décryptée comme une caution morale et politique à sa réélection. Cette caution extérieure, qui vaut son pesant d’or, renforcée par le fait que les institutions nigériennes ont toutes reconnu la légalité voire la légitimité de la victoire de Mahamadou Issoufou, vient réduire, peut-on dire, la marge de manœuvre de l’opposition qui, soit dit en passant, reste toujours dans sa logique de désobéissance civile dont le top de départ devait être donné le 2 avril à zéro heure. D’ailleurs, le peu de temps mis entre la validation des résultats du second tour de la présidentielle par la Cour constitutionnelle et l’investiture de Issoufou par cette même institution, est suffisamment révélateur de la volonté du nouvel élu de se parer de tous les attributs de la fonction présidentielle pour mieux contrer l’opposition dans sa volonté affichée de pourrir son deuxième mandat. Ce faisant, Mahamadou Issoufou coupe l’herbe sous les pieds de la COPA 2016 (Coalition pour l’alternance). Subséquemment, il lui envoie le message suivant : « les élections sont derrière nous, j’ai été élu par le peuple souverain du Niger et toutes les institutions de la République m’ont reconnu comme tel. En sus, j’ai la caution morale et politique de la CEDEAO et de l’UA qui, du reste, étaient présentes à mon investiture. De ce fait, je ne tolérerai aucun acte de défiance de mon autorité, d’où qu’il vienne ». De ce point de vue, l’on peut s’attendre à ce que Zaki se décide à montrer tous ses crocs à tous les opposants qui ont choisi en toute conscience de se mettre en dehors de la République et qui appellent aujourd’hui à la mise en place d’une transition à l’effet de reprendre les élections. Avec donc l’investiture de Mahamadou Issoufou par la Cour constitutionnelle le 2 avril dernier, en présence de la CEDEAO, de l’UA et de bien d’autres représentants de pays africains et d’ailleurs, l’opposition devrait faire le deuil de sa transition en acceptant la main tendue de Mahamadou Issoufou pour qu’ensemble ils sauvent « la maison commune » des mille et un périls qui la guettent aujourd’hui. Cet appel à la concorde et à la raison pourrait être entendu par certains membres de la COPA 2016. Car nous sommes en politique et en la matière, il ne faut jamais dire jamais. A l’appui de cette thèse, l’on peut se risquer à dire que la maison « COPA 2016 » pourrait dans les jours à venir se lézarder et voler en éclats.

L’on peut s’attendre à ce que l’orage promis par les opposants se termine par un crachin

D’abord, en son sein, il pourrait exister des personnalités qui, par réalisme politique ou par opportunisme, seraient disposées à rallier le camp présidentiel. D’ailleurs, l’on peut se demander si les faveurs accordées à Hama Amadou ne relèvent pas d’un deal passé entre ce dernier et le pouvoir à l’effet de baliser le terrain pour un rapprochement entre les deux hommes politiques. Car ne n’oublions pas, Hama Amadou est coutumier des retournements de veste. Déjà, le Secrétaire général de son parti, on se souvient, lors d’une de ses sorties récentes, n’avait pas balayé du revers de la main l’idée d’un gouvernement d’union nationale prônée par Issoufou. La deuxième raison qui pourrait contraindre  l’opposition à ne pas raidir la nuque pourrait être liée au fait que par ces temps qui courent où la menace djihadiste se fait de plus en plus pressante, des médiations officieuses et officielles, endogènes et exogènes pourraient entrer en action pour inviter les Nigériens à fumer le calumet de la paix de sorte à ne pas compliquer davantage la lutte contre les islamistes de tous poils. Et il serait très difficile à l’opposition de ne pas être sensible à cet argumentaire sans se mettre à dos la CEDEAO et partant la Communauté internationale. Pour toutes ces raisons, l’on peut s’attendre à ce que l’orage promis par les opposants, par le biais de la désobéissance civile, se termine par un crachin. En tous les cas, l’opposition ne doit pas se tromper de combat. Déjà, la politique de la chaise vide qu’elle  a prônée jusque-là ne lui a pas rendu grand service. Il ne faut pas qu’elle en rajoute en optant pour la politique de l’autruche.

« Le Pays »