Diori/Issoufou, une diplomatie d’avant-garde pour le Niger

 

Le Niger à travers le ministère de la Renaissance culturelle est en train de se préparer pour honorer la mémoire d’un de ses illustres fils. En effet, le centenaire de la naissance du président Diori Hamani (1916-2016) c’est pour le 16 juin prochain. Le comité d’organisation présidé par le Pr André Salifou est à pied d’œuvre. Le ministre de la Renaissance culturelle Assoumana Malam Issa est allé inviter des dignitaires nigérians à l’occasion de ce grand évènement. Parmi les griefs à l’encontre de Diori Hamani pour justifier le coup d’Etat du 15 avril 1974, il y avait ‘’sa politique extravertie’’.  Cet article se veut un survol de la diplomatie d’avant-garde de Diori et ses effets sur celle d’Isssoufou Mahamadou dans le sillage de ce visionnaire, premier président de la République du Niger.

C’est un fait : à bien d’égards il y a une similitude de style entre Diori Hamani et Issoufou Mahamadou concernant leur politique extérieure. Certains considèrent les visites du Président Issoufou à l’extérieur comme des simples villégiatures, une promenade de santé vidant ainsi vainement le trésor national. Pourtant sous Issoufou, au plan diplomatique, le Niger a connu des avancées significatives à travers des offensives qui ont contribué à la visibilité et à la crédibilité du pays sur le plan international.

« La diplomatie exigeant des contacts humains, directs de préférence, et aussi fréquents que possible, le chef de l’Etat nigérien fait des voyages à l’étranger l’un des instruments essentiels de sa politique », écrit André Salifou parlant de Diori Hamani. Et au grand dam de ceux qui avaient pensé que la politique extravertie de Diori nuisait au Niger, l’historien André Salifou apporte la preuve du contraire : « Pendant la bonne quinzaine d’années qu’il est resté à la tête du Niger Indépendant, Diori Hamani n’a rien fait pour compromettre les bonnes relations de son peuple avec la France, même si ; en patriote soucieux de défendre avant tout les intérêts de son pays, il a été plusieurs fois amené, ainsi que nous le verrons plus loin, à prendre des positions diamétralement opposées à celles adoptées et défendues ardemment par Paris, sur des questions telles le statut de la province du Québec dans la Francophonie, la guerre civile au Nigeria ou la revalorisation du prix de l’uranium nigérien. » (André Salifou,  Biographie politique de Diori Hamani, premier président de la république du Niger, p9).

 Et on le sait, entre autres raisons retenues dans la chute de Diori, certains historiens ont fait cas de son intransigeance à défendre les intérêts du Niger sur la question de l’uranium qui constitue aujourd’hui encore une pomme de discorde entre le Niger et la France.

A propos du débat sur la création de la francophonie, il faut dire que ce n’est pas une vue de l’esprit, Diori Hamani a joué un rôle primordial. Il a été, pourrait-on dire, plus royaliste que le roi. A preuve : « Président en exercice de l’O.C.A.M., M. Diori Hamani s’efforçait de convaincre le général de Gaulle de donner forme aux projets d’organisation de la francophonie mis au point par l’ensemble de ses collègues. Au cours de plusieurs entretiens, qui se déroulèrent l’an dernier à l’Elysée, le président nigérien essaya de rallier le chef de l’Etat français aux idées lancées par les présidents Bourguiba et Senghor visant à regrouper au sein de mêmes organismes de consultation l’ensemble des Etats francophones du globe. Le secrétariat de l’O.C.A.M. avait mis au point un avant-projet d’agence francophone de coopération culturelle et technique dont il se fit le zélé propagandiste. Aussi, après bien des réticences et des hésitations, le gouvernement français devait-il donner son accord à la convocation, dans la capitale du Niger, de la première conférence des Etats entièrement et partiellement de langue française. » (Philippe Decraene, Monde Diplomatique, Mars 1969 p 9.)

Et Philippe Decraene avait mis en évidence comment le succès de cette rencontre de Niamey constitue également un succès personnel pour M. Diori Hamani. Ce dernier ne faisait pas de la figuration dans les rencontres du Niger avec les autres nations du monde. C’est ainsi écrit Pr André Salifou : « Diori Hamani révélera aussi une stature de leader international, en particulier dans sa prise de position contre la guerre de sécession du Biafra, et aussi en pilotant l’organisation de la Francophonie, dont il est un père fondateur, enfin diversifiant malgré les réticences de la France, sa politique de coopération internationale. »

Sous Diori Hamani, le Niger malgré son enclavement était très présent dans le concert des nations aussi bien à l’échelle africaine que mondiale.  Diori avait instauré une diplomatie dynamique. Par la qualité de son leadership notre pays était loin de subir l’histoire. Il avait son mot à dire dans les grandes préoccupations du monde. N’est-ce pas élogieux ce mot du général de Gaulle dans le premier tome de ses Mémoires d’espoir à l’endroit du président de la République du Niger : «  A l’image de son pays où se joignent le désert et la savane, Diori Hamani sait unir les vues lointaines et le sens pratique dans l’action qu’il mène au-dedans et au-dehors » ?

Isoufou Mahamadou sur les traces de Diori Hamani

Les historiens avaient retenu le caractère extraverti du style de gouvernance de Feu Diori Hamani. Sous Diori, le Niger était ouvert aux autres pays et le président Diori était tout aussi visionnaire, grand idéologue pour comprendre que la diplomatie c’est un art qu’un pays doit savoir capitaliser pour atteindre ses objectifs.

C’est ce leadership de Diori qui fait notre fierté lorsqu’on cite objectivement les grands leaders africains à l’instar de N’krumah, Sékou Touré, Modibo Keita pour ne citer que ceux-là, Diori vient en tête de liste.

Ce style particulier de Diori Hamani en politique étrangère, Issoufou s’en inspire. Il est même, si j’ose dire, un ‘’adepte zélé’’ de l’offensive diplomatique. Tout comme Diori, Issoufou mène le jeu diplomatique nigérien. On l’a vu tour à tour dans la cour des « grands » tout comme chez les anticonformistes de la Communauté internationale.

Cette offensive diplomatique a non seulement pour conséquence d’élargir la carte diplomatique de notre pays mais aussi et surtout de raviver les relations entre le Niger et ses amis tout initiant de nouveaux axes de coopération en fonction des priorités contextuelles.

On le sait, au Niger tout est prioritaire. Fort de sa traversée du désert d’opposant historique, le président Issoufou est certes venu avec un programme – le seul à en avoir un – selon même certains de ses opposants. Mais l’état de délabrement du pays, les maux du Niger avaient atteints un seuil tel que toute action d’urgence ne serait qu’une goutte dans un océan.

Il fallait alors des actions réfléchies et planifiées pour redresser ce pays où les gens ont plus développé un esprit de critique au lieu d’être des hommes pragmatiques et positifs enclins à accompagner la volonté politique en action pour un Niger qui gagne dans le concert des nations.

Dans ces déplacements qui font couler tant d’encre et de salive, le président Issoufou dans le sillage de Diori Hamani a eu à visiter des pays susceptibles d’accompagner notre volonté de sortir de la précarité pour nous diriger résolument vers le développement. On l’a vu tout à tour sur les grands chantiers des pays amis justes aux fins d’observations et d’études.

Ces visites sur le terrain ami, ne seraient-elles pas plutôt la voie la plus directe et idoine pour transférer des technologies et des moyens nécessaires pour que les « Nigériens nourrissent les nigériens », pour que nos besoins énergétiques soient satisfaits, pour que nos problèmes de santé, d’eau potable, nos écoles aient enfin des solutions durables au grand bonheur du peuple nigérien ?

Aux partisans de l’immédiateté de la portée de l’offensive diplomatique du président de la République, nous disons qu’il faut savoir laisser aux historiens le temps de l’histoire.  Certains sont devenus réactifs et réduits à comptabiliser les voyages présidentiels. Récemment, on pourrait lire sur le mur d’un opposant qui s’offusque que le président était à son 126ème voyage en 4 ans ! L’esprit est canalisé de telle sorte que la raison du voyage du chef de l’Etat importe peu, tout ce qui compte c’est l’arithmétique.

Pourtant on pourrait plutôt percevoir à travers ces rencontres, une vitalité de notre diplomatie. Une audience pour notre pays. Des opportunités et l’image de marque du Niger en train de se redorer car quoi qu’on dise notre pays reste très mal connu des autres. Ceux qui voyagent, savent tout ce malaise de revisiter l’histoire et la géographie pour faire comprendre à d’autres nationalités où se trouve le Niger.

Mais ce qui est rassurant, ces commérages et diffamations ne désarment pas le président Issoufou. Bien au contraire. Il mène son action diplomatique avec aise et assurance. Car comme dirait l’autre, celui qui sait où il va n’a pas besoin de s’agiter sur la route du succès.

Issoufou Mahamadou mu par ‘’l’utopie fondatrice’’ de Diori

Parmi les pourfendeurs du président Issoufou sur le chapitre de ses sorties à l’extérieur, il y a ceux qui racontent que le président est en rupture avec son peuple. « Zaki et son peuple : le divorce », argue le Canard Déchainé. Le Monde d’aujourd’hui s’indigne dans un nigéro pessimisme alarmant : « …..les mots du lexique français sont certainement insuffisants pour exprimer les maux qui minent le Niger et son peuple ».

Pourtant, les signes d’un président en rupture avec son peuple sont tout sauf des villégiatures. Les présidents qui n’ont pas confiance en eux-mêmes ne voyagent pas. Ils ont peur. Tout le contraire de la sérénité affichée par le président Issoufou. Ce qui constitue en soi un démenti cinglant à ces prophètes de malheur.

Il faut se réjouir que malgré la médisance ambiante, le Niger est véritablement présent dans les relations internationales. C’est une fierté, que chaque personnalité du monde qui rencontre le président Issoufou – comme Diori Hamani en son temps – est séduite par la culture de l’homme et sa vision pour son pays, l’Afrique et le monde, nous confie un observateur averti de la scène internationale. Ce qui n’était pas gagné d’avance dans un passé relativement récent.

En dehors de toute considération politicienne, il faudrait, par amour à notre pays, qu’on se le dise : le Niger vient de loin. Il n’y a pas de baguette magique pour solutionner tous ses maux que le travail et le sens de l’intérêt général. Les défis qui assaillent notre pays sont tels que si nous perdons le sens de la réalité, la situation pourrait se dégrader plus que jamais. Il nous savoir consolider nos acquis. Et nous osons espérer que les germes de l’offensive diplomatique entreprise par le président Issoufou porteront leurs fruits tôt ou tard.

En fin observateur de la scène internationale et africaine, le doyen Béchir Ben Yahmed, en tenant compte du contexte et défis contemporains décrit la voie de la réussite à nos chefs d’Etat en ces termes : «… une bonne partie des dirigeants africains sont confrontés à l’équation suivante, difficile voire impossible à résoudre : comment participer avec le maximum d’efficacité à cette « guerre contre le jihadisme », dont l’issue n’est pas pour demain, tout en continuant à se consacrer, pendant de longues années, à l’indispensable croissance économique ? Seuls ceux d’entre eux qui parviendront à concilier ces deux impératifs mériteront de se maintenir à la direction des affaires de leurs pays. »

Le monde entier connait le niveau d’engagement du président Issoufou pour raccorder sécurité et développement. On pourrait dire, à la suite d’Andé salifou qu’Issoufou Mahamadou est mu par cette même « grande utopie fondatrice, qui continue à marquer aujourd’hui la vie des nouvelles générations africaines ». Cette utopie fondatrice qui a fait rêver justement le président Diori Hamani.

Elh. Mahamadou Souleymane