Société Civile nigérienne : Examen de conscience !

C’est peut-être le bon moment de se le rappeler. Notre pays le Niger vit aujourd’hui dans sa 7ème REPUBLIQUE. En termes de « sprint constitutionnel », aucune nation au monde n’a réussi autant de performances en seulement 50 ans. A l’évidence des « tristes performances » auxquelles la « Société Civile » y a incontestablement contribué.

Pour l’essentiel, cette « inflation républicaine », hormis ses causes exogènes évidentes, est le résultat des « comportements prédateurs » de « politiciens sans scrupule », de « militaires véreux » et d’une « société civile immature ». Ensemble, ils ont formé le « trio infernal » qui a précipité notre pays, de république en république, les unes plus « Gondwana » que les autres.

Un rôle historique douteux

Un coup d’œil sur la trajectoire politique de notre pays, nous révèle en effet la grande influence de ces trois groupes dans les recompositions de son échiquier politique depuis son Indépendance. Leurs actions combinées, constituent la donnée principale des crises cycliques qui l’ont durement impacté.

Dans le même ordre d’idée, l’observation des scénarios ayant débouché sur une nouvelle république, nous révèle le rôle avant-gardiste et précurseur joué par la Société Civile dans les grands chambardements politiques connus au Niger. Celle-ci a toujours été la première à « ouvrir le bal », avec comme mode opératoire, l’organisation de marches, de meetings, de villes mortes, voire de pays mort. Suivent les opposants, toujours en embuscade, attendant généralement que la situation pourrisse à l’extrême, pour inviter expressément l’armée à prendre le pouvoir. L’armée de son côté, « invitée » à mettre de l’ordre ou « terminer la récréation », ne s’est jamais privée du loisir de mettre fin à la vie de toute une République. Cela s’est passé 4 fois de suite dans notre pays.

Si les politiciens et les militaires font l’objet de procès réguliers de la part de l’opinion nationale, la Société Civile elle, s’en est toujours bien tirée. Son « rôle négatif » dans la trajectoire en dents de scie de notre pays, n’a jamais été mis en lumière. Normal ! Le souvenir de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), où elle avait joué un rôle historique majeur, est encore vivace dans la mémoire collective. Mais aujourd’hui, avec un peu plus de recul, l’on perçoit aisément la partition jouée par celle-ci dans la prédation de notre pays… d’autant qu’elle est (peut-être) en passe de récidiver.

Ingénierie en panne…

En effet, « un collectif de la Société Civile » envisage d’organiser le 4 février, une nouvelle marche pour soutenir une « plate forme revendicative » en plusieurs points, moins de 2 mois après une précédente manifestation jugée « réussie » par les commentateurs de Niamey. Ce « succès » a fait réagir énergiquement le camp présidentiel qui a organisé à son tour un méga meeting le 13 janvier 2017, histoire de montrer ses muscles à « la société civile de l’opposition ». Les choses auraient pu s’arrêter là, mais « le collectif » a jugé utile de replacer la barre, encore plus haut, en reprenant le pavé.

Quelle signification faut-il donner aux manifestations en cascade de la Société Civile ? Assiste-t-on, encore une fois, à un remake des ses réflexes grégaires qui enveniment le climat social ?

Première chose à relever pour comprendre ses motivations profondes, les manifestations de la Société Civile interviennent, presque toujours, dans un contexte politique tendu, caractérisé par de vives tensions entre la mouvance présidentielle et l’opposition. Dans le cas d’espèce, elle devrait plutôt jouer les médiateurs ou au pire des cas, les pompiers. Ce qui se passe sur le terrain, c’est une toute autre chose. Une totale confusion de rôles qui rend derechef suspectes et partisanes, les actions de son agenda.

L’élément qui la compromet le plus, c’est l’accointance notoire de ses leaders avec les partis politiques. Point n’est besoin de citer des noms, tous sont étiquetés et estampillés. Les organisateurs les plus actifs et les plus visibles de la marche du 21 décembre 2016 Et celle 4 février 2017 sont des gens dont l’appartenance à l’opposition ne pose aucun doute aux yeux de l’opinion nationale. Ceux qui n’y ont pas participé et qui ne participeront pas, marquent quant à eux leur indéfectible appartenance au camp présidentiel. Ils auraient reçu pour cela, des « contrats de com » avec des entreprises d’état et certains d’entre eux, ont été carrément nommés à des « postes politiques », tout en restant « acteur de la société civile ».

Un dernier point sur ce registre, concerne l’ingénierie sociale développée par celle-ci. Sa stratégie opérationnelle relève encore et toujours du « primaire » et consiste uniquement en des marches  pour soutenir une « plate forme revendicative ». On ne voit aucune de ses études sur les nombreux aspects de la gouvernance du pays. Aussi, elle ne contribue plus à créer les conditions d’un dialogue inclusif dans le pays, mais à verser de l’huile sur le feu, en sous-traitant les projets nuisibles des camps politiques en présence. C’est ainsi qu’elle est tout naturellement, assimilée à l’opposition en cas de tensions politiques.

Recadrer la mission des OSC

En réalité, le vrai problème de la Société Civile nigérienne, ce sont plutôt ses leaders. Leurs traits communs, c’est d’abord leur faible niveau intellectuel, technique et scientifique. Rare de voir parmi ses  « activistes », des Ingénieurs, des Docteurs ou des Professeurs.  Que d’anciens « cartouchards recyclés» qui rêvent de révolution et qui n’ont d’autres choses à revendre que leur agitation et leur « confusionnisme » cultivés depuis le campus…, un service dont le pouvoir et l’opposition ont recours abusivement pour « montrer qu’ils ne sont pas seuls ». D’où cette confusion des rôles et cette méconnaissance criarde de la mission fondamentale, reprochées aux OSC.  Aucune grande valeur ajoutée donc de ce côté-ci !

Devant cette absence de leadership de qualité, les organisations de la société civile nigérienne sont perçues comme de « boutiques », pires que les partis politiques, destinées à la promotion de leurs présidents, sous le couvert de l’intérêt général. La position à la tête des associations ou ONG génère en effet des rentes faciles aux responsables, des rentes proportionnelles à la capacité de nuisance du Président. Telle est aujourd’hui la lecture que la majorité des nigériens font des agissements des acteurs de la société civile. Pour nombre de nigériens, ceux-ci ne sont rien d’autres  que de vulgaires petits commerçants qui utilisent leur officine et leur bagou pour s’enrichir….

Evidemment, tous ne sont pas dans le même sac. Il y’a parmi eux des « camarades » corrects et courageux qui ont quitté le parasol des OSC pour se jeter dans la « marre politique », convaincus qu’on ne peut pas continuer à tricher avec la politique, sans que l’on ne se brule les doigts. Il y’a également parmi eux des gens dotés d’une grande technicité apprise sur le tas et qui produisent des études et des rapports d’une qualité imparable. Mais ils ne sont pas nombreux et la plupart du temps, ils restent inaudibles et se laissent submergés par la meute….

Bref, tout ça pour dire que la société civile nigérienne devrait davantage se concentrer sur ses principes cardinaux (neutralité, dialogue et inclusion) et sa mission fondamentale (Défense de l’intérêt général). Aussi, si la société civile devrait appeler des citoyens à marcher, ce devrait-être sur des sujets spécifiques, mais non autour d’une « plate forme revendicative ». Ça a marché avec le thème de « la démocratie » dans les années 90, « la vie chère » dans les années 2000 et normalement, ça devrait marcher avec « la corruption » aujourd’hui, si justement les acteurs de cette société civile n’étaient pas soupçonnés de … corruption !

Elh Kaougé Mahamane Lawaly, Le Souffle Maradi