Eradication de la fistule : Joindre les actes à la parole

Le forum des premières dames de la CEDEAO sur la lutte contre la fistule obstétricale a eu lieu à  Niamey le 5 octobre sous l’impulsion de la première dame du Niger,  Dr Malika Issoufou Mahamadou. Après les discutions des experts sur l’élaboration du document préparatoire du forum, les premières ont sanctionné cette rencontre par un engagement très fort pour le genre dans ses volets protection de la femme et de l’enfant. Niger Inter Magazine renseigne  ici  sur le calvaire et la désolation dont sont victimes les femmes fistuleuses et appelle les décideurs à joindre les actes à la parole.

Madame T.I est une jeune nigérienne âgée de 24 ans.  Elle a eu  sa première grossesse à dix-huit (18) ans. Elle a accouché d’un enfant mort-né et se retrouve avec la fistule obstétricale dans une vie au foyer impossible. Abandonnée par son mari, elle vit depuis près de quatre (4) mois au Centre National de Référence de Fistules Obstétricales (CNRFO) de Niamey. Un centre qui accueille d’autres femmes comme elle et dont les histoires sont pathétiques les unes autant que les autres. A Niamey comme dans les autres régions du Niger, beaucoup de femmes souffrent de la fistule génitale féminine. Maladie dramatique de par ses répercussions médicales, économiques, psychologiques et sociales, la fistule génitale féminine touche particulièrement les jeunes femmes de 15 à 24 ans et les femmes en âge avancé lors de leurs derniers accouchements et vivant surtout en milieu rural.

C’est l’histoire d’une maladie honteuse, une infirmité qui  frappe chaque année des centaines de femmes au Niger. Des petites filles dont l’âge dépasse rarement 15 à 20 ans, qui voient tout leur avenir basculer en un seul jour au moment de donner la vie. Il suffit de faire un tour au centre national de référence pour se convaincre des conséquences graves de la fistule dans notre pays.

Toutes jeunes, toutes venues d’horizons divers, toutes malades, ces femmes vivent dans le  centre depuis des mois ou des années, abandonnées par leurs parents et leurs maris. Du fait de l’odeur d’urines jugée insupportable, les femmes atteintes de Fistule Génitale Féminine sont en effet considérées comme « impures », mises en marge de la société dans certaines communautés. Fini pour elles les échanges, les causeries entre femmes du même quartier ou du même village, les visites aux parents, amies et connaissances, les participations aux cérémonies de mariage, de naissance ou de décès. Elles sont toujours seules, exposées aux regards curieux et au dédain des autres habitants du village. Ceux-là mêmes qui ont cautionné et célébré leur mariage… à bas âge. Les spécialistes de la santé s’accordent en effet à dire que le mariage précoce est un facteur à risque favorisant la survenue de la Fistule Génitale Féminine.

Malgré tout aujourd’hui encore, dans certaines localités du Niger, beaucoup de filles sont mariées avant l’âge de 15 ans. Avec une maturité physiologique faible du bassin du fait de leur jeune âge, ces adolescentes courent selon les spécialistes de la santé beaucoup de risques de complications à l’accouchement.

Le faible taux d’accouchement assisté par un personnel qualifié ; le faible taux de scolarisation chez la jeune fille ;  la pauvreté et des pratiques traditionnelles et croyances néfastes à la santé de la reproduction telles que les Mutilations Génitales Féminines (excisions) sont les autres facteurs qui favorisent la survenue de la fistule.

Fort heureusement, depuis quelques temps, une importante mobilisation est observée dans notre pays en matière de lutte contre la fistule génitale féminine. Elle est l’œuvre des agents de santé,  des Ongs et d’autres acteurs de la société civile.

Ce qui est également réconfortant, c’est l’engagement des Premières Dames de tous les pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest dans la lutte. La confirmation de leur participation à ce noble combat a été faite le 5 octobre dernier lorsqu’elles se sont retrouvées à Niamey pour un forum. Une rencontre qui va certainement permettre de renforcer l’engagement politique dans ce dans ce domaine.

Aussi, au niveau de la région Afrique de l’Ouest, la Commission de la CEDEAO, à travers le Centre de la CEDEAO pour le Développement du Genre (CCDG), a initié depuis 2010  un programme de soutien médical et financier aux femmes et aux filles souffrant de fistule obstétricale dans les Etats membres de la CEDEAO. Ce programme est décliné en quatre axes, à savoir la prévention ; la prise en charge médicale des victimes de Fistules Obstétricales ; la réinsertion socio-économique des femmes guéries avec l’implication de tous les acteurs et bénéficiaires ; et la coordination, le suivi et l’évaluation des actions de lutte contre la FO ainsi que la recherche opérationnelle.

Maintenant que tous s’accordent à reconnaitre que la fistule fait des dégâts dans nos pays, que la fistule est une maladie comme les autres, elle se prévient et  se guérit complètement, il urge de joindre les actes  à la parole pour une éradication complète de cette maladie.

Oumou Gado  ( Niger Inter Magazine N°005 )