Bisbilles à Asusu SA : les vérités de Mme Ibrahim Yacouba Réki

La société de microfinance ASUSU SA spécialisée dans l’épargne et crédit défraie la chronique depuis la semaine dernière où nos confrères Le Courrier et Le Matinal ont servi à l’opinion leurs manchettes contradictoires sur ce qu’il convient d’appeler ‘’affaire ASUSU’’. De quoi s’agit-il ? Est-ce une machination pour liquider Asusu comme le prétend Le Courrier ? Est-ce Asusu est en passe de subir une sanction disciplinaire de la Commission Bancaire  comme le prétend Le Matinal ? Dans son point de presse du dimanche 18 Mars, Mme Ibrahim Yacouba Réki a confirmé qu’il y a bel et bien un bras de fer entre le ministère des finances et Asusu SA. Retour sur une scabreuse affaire qui n’est qu’à ses balbutiements.

Selon Le Courrier du jeudi 15 Mars dernier, Asusu SA fait l’objet d’une manœuvre qui vise à précipiter sa mort. Ce complot à en croire notre confrère vise à étouffer financièrement Asusu au profit de la société Al IZZA. Selon Le Courrier les sociétés d’Etat sont instruites de retirer leurs dépôts des comptes d’ASUSU SA.  Le journal a cité la Sopamin, la Sonidep, l’ARTP, la CNSS… Le Courrier nous apprend que la Sopamin a même procédé à la saisie des comptes d’Asusu avant qu’elle ne soit déboutée par le tribunal du commerce. Le Courrier a insinué que les déboires de la Directrice générale d’Asusu sont inhérents à la situation de son mari, le ministre Ibrahim Yacoubou dans ses rapports avec ses alliés de la MRN.

Selon Le Matinal, ce qu’il faut savoir dans cette affaire ASUSU : ‘’tout serait parti d’une mission de la Commission Bancaire de la BCEAO au niveau de cette institution de microfinance et qui a révélé des graves manquements dans la conduite de cette société anonyme. Asusu SA aurait outrepassé ses compétences en assurant les services de banque, ou encore en finançant certains groupements. Ce qui a amené le ministre des finances à prendre des mesures (menaces de retrait d’agrément, démission de la directrice Mme Réki Djermakoye, etc.) qui ne sont pas du gout des responsables de Asusu SA’’, nous apprend le quotidien Le Matinal.

A propos de l’argument selon lequel les sociétés d’Etat seraient tenues par la mesure du Compte unique du trésor (CUT) soutenue par Le Matinal, Le Courrier pense que cela n’est qu’une manœuvre. Et le Courrier qui croit à la thèse du complot a étayé sa thèse avec le débauchage du personnel d’ASUSU par Al IZZA qui propose aux cadres d’Asusu des salaires du simple au triple, selon Le Courrier. Mais Le Matinal soutient que les comptes d’Asusu SA seraient au rouge raison pour laquelle, soutient le journal, les sociétés publiques voudraient sécuriser leurs fonds déposés dans les comptes d’Asusu.

Les vérités de Mme Ibrahim Yacouba Réki Djermakoye

Pour avoir plus de précision sur cette affaire, nous avons rencontré Mme Ibrahim Yacouba Réki le Samedi 17 Mars dernier. Elle a bien voulu nous donner ce qu’elle a appelé sa version technique des faits. Il faut dire tout de go qu’il n’y a aucun doute que la crise est réelle. Le ministère des finances envisage bel et bien le retrait d’agrément à Asusu ou  démettre de la Directrice générale.

 Selon Mme Ibrahim Yacouba Réki, Directrice générale d’Asusu, il y a des facteurs exogènes qui ont impacté la vie de son institution. Dans ce qu’on appelle désormais affaire Asusu SA, le problème des contractuels constitue un épisode majeur. En effet, selon la responsable d’Asusu dans le cadre de son projet scolarisation de la jeune fille, Asusu avait signé un accord de partenariat avec le gouvernement pour la bancarisation des contractuels. Ainsi Asusu s’est engagé à payer les contractuels à terme échu pour leur maintien à l’école afin de rester enseigner pour inverser la tendance à la fuite de ces enseignants. Mais entre-temps l’Etat avait accumulé 3 à 4 mois d’arriérés soit environ 4 milliards. En 2016, du fait du poids de ces arriérés de l’Etat à son encontre, Asusu ne pouvait plus tenir son engament vis-à-vis des contractuels. Cela s’est traduit par la dégradation de la situation entre contractuels et gouvernement. En plus d’autres facteurs exogènes comme la récession au Nigeria, les attaques de Boko Haram qui ont occasionné la fermeture d’une dizaine d’agences Asusu, le déguerpissement des petits commerçants n’ont pas été à la faveur d’Asusu selon la Directrice générale. En ce qui concerne la récession du Nigeria, elle a impacté l’opération embouches où Asusu finance les groupements féminins dans l’achat des moutons. Le déficit de la campagne agricole dans certaines régions a été également un autre facteur exogène défavorable pour Asusu.

Selon la Directrice générale d’Asusu, malgré l’épisode d’arriérés des contractuels, Asusu a su honorer ses engagements vis-à-vis de ses clients et partenaires. Mme Ibrahim Yacouba Réki nous a confirmé avoir reçu le contrôle de la Commission Bancaire. Celle-ci lui aurait fait des recommandations. Asusu serait à 93% de réalisations dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission Bancaire. C’est dans ce sens d’ailleurs que lorsqu’il s’était agi de renvoyer 69 agents, la DG avait renoncé à son salaire de Directrice pour sauver ces employés, nous a-t-elle confié.

Mme Ibrahim Yacouba Réki soutient que le rapport de la Commission Bancaire lui serait favorable. Mais ce qu’elle ne comprend pas c’est justement le fait qu’on voudrait invoquer le rapport de la même commission bancaire à son encontre. Elle dit avoir reçu récemment l’ordre de l’ARSM (AGENCE DE REGULATION DU SECTEUR DE LA MICROFINANCE) de reverser tous les fonds des sociétés publiques sous peine de poursuite judiciaire. Le samedi dernier, le Conseil d’administration d’Asusu avait examiné cette situation. Dans le souci de préserver l’essentiel, Mme Ibrahim Yacouba Réki avait fait la concession de démissionner de son poste de Directrice générale pour être Présidente du Conseil d’administration en tant qu’actionnaire majoritaire. Une autre condition de la Directrice générale c’est qu’il lui incombe de proposer le  nouveau Directeur général en tant que détentrice de la majorité des actions de la société.  Mais selon Mme Ibrahim Yacouba Réki, le ministère des finances rejette purement et simplement ce compromis. Il est envisagé de démettre la Directrice générale ou retirer l’agrément à Asusu SA, cette société qui est présente dans 6000 villages avec 650 000 épargnants et 600 employés.

Le ministère des finances reproche à la Directrice générale d’être incompétente entre autres griefs. Ce à quoi elle a rétorqué que c’est la Commission bancaire qui serait incompétente dans ce cas puis que celle-ci n’aurait pas constaté ce qui est reproché à la Dg d’Asusu. Face à l’intransigeance du ministre des finances, Mme Ibrahim Yacouba Réki a annoncé dans son point de presse de ce dimanche son maintien à la Direction générale d’Asusu SA, nous apprend la DG.

  Mme Ibrahim Yacouba Réki croit savoir par ailleurs qu’Asusu SA n’est pas concernée par la mesure du compte unique du trésor (CUT). Elle nous a confirmé l’information selon laquelle Al IZZA est en train de débaucher ses agents dont des directeurs et chefs de service. La Directrice générale d’Asusu s’est gardée de confirmer ou infirmer certaines allégations des journaux.

Après notre rencontre avec la Directrice générale d’Asusu SA, nous nous interrogeons sur la véritable teneur du rapport de la Commission Bancaire ? Pourquoi le ministre des finances envisagerait-il d’obtenir la démission de la Directrice générale voire même le retrait d’agrément d’Asusu SA ? Quels sont les éléments sur lesquels se fonde le ministère des finances pour sévir contre cette société ? La concession faite par Mme Ibrahim Yacouba Réki de démissionner est-ce un aveu de manquement à certaines règles ? La Banque Mondiale aurait-elle commandité un rapport qui mettrait en cause Asusu SA? En  attendant les vérités du ministère des finances, autant dire qu’il y a de l’éclectricité dans l’air. (A suivre)

Elh. M. Souleymane et Abdoul Aziz Moussa