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Pénurie de pièces de monnaie : La situation sous contrôle selon la BCEAO

Dans Le Républicain N°2165 du 1er  Mars 2018,  nous avions fait cas du problème de la rareté des pièces de monnaie au Niger et dans la sous-région à travers l’ article ‘’ Pénurie de la petite monnaie : à qui la faute ?’’.  Notre petite enquête nous a permis de mettre en évidence l’acuité du problème au niveau social et nous avions recueilli des témoignages des citoyens. Pour éclairer la lanterne de nos lecteurs, nous avons écrit à la Direction de la  BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) au Niger.  Ci-dessous les éléments de réponse de la Direction Nationale de la BCEAO pour le Niger.

 ‘’L’exécution des transactions économiques dans la zone UEMOA, particulièrement au Niger, est marquée par une préférence des populations à l’utilisation de la monnaie fiduciaire (billets et pièces de monnaie). Conformément à ses missions, la Banque Centrale veille à la disponibilité de signes monétaires de qualité et en quantité suffisante, dans le circuit économique.

Des épisodes de tensions peuvent être observés au cours de périodes de fêtes ou d’autres événements de portée nationale, sur les billets et pièces de basse dénomination. Au cas où ces phénomènes devaient s’inscrire dans la durée, la Banque Centrale y prête l’attention nécessaire, en vue de mettre en œuvre les mesures appropriées pour la satisfaction des besoins.

Ainsi, à certains moments, des programmes sont initiés, particulièrement à l’endroit des petits commerces (pharmacies et autres) qui en sont de gros consommateurs.

Enfin, il y a lieu de préciser que, selon les informations en notre possession, le phénomène de vente de monnaies n’a pas été observé au Niger’’.

 

NDLR : La difficulté de trouver la monnaie est bel et bien réelle au Niger. Nous avons recueilli des témoignages de la population et cela doit être considéré comme un signal d’alarme qui explique qu’il y a bel et bien pénurie. Peut-être qu’on nous dira que la masse monétaire est suffisante pour nos transactions, mais les faits sont têtus. Dans un précédent article nous avions précisé les sources de cette pénurie. Oui, « la Banque Centrale veille à la disponibilité de signes monétaires de qualité et en quantité suffisante, dans le circuit économique », comme le dit la Direction de la BCEAO au Niger, mais, de notre point de vue, cela n’est en rien une réponse aux préoccupations liées à cette pénurie. Nous nous posons des questions sur l’attitude de la BCEAO face au rejet des signes monétaires usagés et les pièces de 250 F Cfa que la population rejette. Est-ce qu’elle met la contrepartie en circulation et qu’attend-elle pour retirer les pièces de monnaies ici incriminées ? Notre Banque Centrale précise bien que « l’exécution des transactions économiques dans la zone UEMOA, particulièrement au Niger, est marquée par une préférence des populations à l’utilisation de la monnaie fiduciaire (billets et pièces de monnaie). »

Cela veut dire que dans la zone UEMOA, et particulièrement au Niger, les populations sont à des années lumières des usages économiques modernes. En effet, dans les pays développés, toutes les transactions économiques se font par l’utilisation des cartes de crédits magnétiques ou de nombreux autres moyens liés au développement de plus en plus accéléré des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais ces comportements économiques modernes peuvent être considérés encore à leur stade de balbutiement, ici, au Niger.

Toutefois, cela ne surprend guère. Le Niger est un pays où le retard est considérable sur le plan technologique. Le taux d’analphabétisme atteint des pics qui font trembler. Ce qui rend les comportements de ses habitants on ne peut plus moyenâgeux.

Il s’ensuit, dans les circuits économiques, la préférence est encore à la thésaurisation qu’aux dépôts en banques des moyens financiers. Des commerçants voyagent avec des sommes pharaoniques dans des valises, dans des sacs en caoutchouc ou ces sacs que le commun des nigériens appellent les ‘’gari yayi zahi’’. Alors souvent, ils sont victimes des guets-apens tendus par des coupeurs de route, des vols à effraction ou des hold-up. Exemple de Abdoul Wahabou qui est commerçant de son Etat. Il a perdu, l’année dernière, plus de 7 millions de F Cfa des mains d’un ami indélicat. Il lui a confié son argent pour que celui-ci lui ramène des réfrigérateurs, des cuisinières, des chauffe-eaux et des fours à micro-ondes. « C’était en association avec de l’argent de plusieurs autres petits commerçants, » raconte-t-il. « Le montant global en sa main dépassait 31 millions de F Cfa. Arrivé à Accra, il a invité une prostituée dans sa chambre d’hôtel. Il s’est endormi, la fille a raflé toute la somme qu’il portait dans le sac et a pris la fuite. » Abdoul Wahabou est l’exemple typique de nombre de nos commerçants. « Je n’ai jamais été à l’école, je sais quand même compter l’argent. Je n’ai pas confiance aux banques. J’ai peur de l’escroquerie », explique-t-il.

Face à cet état d’esprit, comment notre Banque Centrale va-t-elle s’engager à vouloir, exprès, fermer les yeux sur la pénurie ambiante de la petite monnaie ? Ici, elle nous fait croire que la situation est sous contrôle, mais, nous comprenons qu’elle maîtrise ladite situation à sa façon. Quelques indiscrétions nous ont permis de savoir qu’elle veut pousser la population à faire plus usage du circuit des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans toutes ses transactions économiques.

Elle veut pousser la population à utiliser des cartes magnétiques de crédits ou la téléphonie mobile via MKoudi, Orange Money ou Moov Flooz. Mais, si MKoudi, Orange Money et Moov Fooz marchent convenablement bien dans les petites et moyennes transactions financières, la BCEAO tient-elle compte des plaintes des usagers des cartes de crédits magnétiques, alors qu’ici au Niger, les distributeurs de billets sont souvent défectueux, en panne ou aveugles par un manque récurrent de connexion ? Nous comprenons ainsi la posture de la BCEAO en ce sens que plus il y a du cash, plus il y a risque de corruption et autres trafics. Pourvu que cette mutation se passe dans l’intérêt des usagers de la monnaie !

La Rédaction  (Le Républicain du 15 mars 2018)