Allocution de SEM Issoufou Mahamadou, à l’ouverture du conseil d ’administration du PAM, Rome, 18-22 juin 2018

Monsieur le Président du Conseil d’Administration du Programme Alimentaire Mondial,

Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil d’Administration

Monsieur le Directeur Exécutif du Programme Alimentaire Mondial

 Je tiens à remercier le Président du Conseil d’Administration du Programme Alimentaire Mondial, Monsieur Zoltan Kalman ainsi que les éminents membres du Conseil pour l’invitation qui m’a été adressée, pour prendre part à  la présente session du Conseil. Je tiens également à remercier le  Directeur Exécutif, Monsieur David Beaseley, que  j’ai eu l’honneur de recevoir tout récemment au Niger. Son bilan élogieux en tant que gouverneur de la Caroline du Sud, fait de lui l’homme qu’il nous faut aujourd’hui à la tête de notre organisation.

Mesdames et Messieurs,

J’ai lancé dès 2011, au début de mon premier mandat, l’Initiative 3N les « Nigériens Nourrissent les Nigériens » au Niger, afin que désormais sécheresse ne soit plus synonyme de famine au Niger. Une des priorités majeures du programme de renaissance, l’initiative 3N couvre cinq axes :

Le premier axe porte sur l’accroissement et la diversification des productions agro-sylvo-pastorales et halieutiques. Cet axe prévoit l’accroissement des productions sous-irrigation et des cultures de décrue, l’accroissement et la diversification de la production des cultures pluviales, la sécurisation des systèmes de productions animales à cycle long et à cycle court, la gestion  durable des terres et des écosystèmes, la valorisation des produits forestiers non ligneux. Il s’agit ici de maitriser l’eau, de disposer des engrais, des semences améliorées et autres intrants, de protéger le capital productif à travers les actions de défense et de restauration des terres dégradées.

Le deuxième axe est relatif à l’approvisionnement régulier des marchés ruraux et urbains en produits agricoles et agro-alimentaires. Cet axe concerne la promotion de la transformation des produits agro-sylvo-pastoraux, des produits halieutiques, des produits ligneux et non ligneux, l’amélioration des infrastructures et des circuits de commercialisation y compris l’exportation, l’élaboration et la mise  en œuvre d’une politique de commercialisation de ces produits.

Le troisième axe concerne l’amélioration de la résilience des groupes vulnérables face aux changements climatiques et aux crises et aux catastrophes. Il s’agit de prévenir et gérer les changements climatiques, les crises et les catastrophes, d’améliorer la capacité des ménages et des communautés à la base face aux situations de déficit de production agricole ou pastorale à travers l’amélioration de l’efficacité des mécanismes d’anticipation et de coordination des interventions d’urgence et l’élaboration d’un plan de risques intégrant divers types de risques auxquels font face les producteurs, les ménages et les communautés.

L’amélioration de  l’état nutritionnel des nigériens en constitue le quatrième axe. Cet axe prévoit la promotion d’un modèle de consommation alimentaire équilibré, une bonne hygiène de vie, la réduction de la prévalence des différentes formes de malnutrition, la prise en charge efficace de la malnutrition aiguë, le renforcement du dispositif de contrôle sanitaire des denrées alimentaires, le renforcement du système national de surveillance nutritionnelle.

L’animation, la coordination et l’impulsion des reformes en constituent le cinquième axe.

Grâce à la mise en œuvre de l’Initiative 3N, il n’y a pas eu de famine au Niger depuis 2011. Le PIB Agricole a connu une croissance moyenne annuelle de 9% sur la période 2011-2015. C’est ainsi que le  Niger avait pu accélérer l’atteinte des Objectifs du millénaire, notamment les OMD 1 & 7, puis l’atteinte des objectifs de réduction de 50% du nombre de nigériens en insécurité alimentaire avant terme (2012).Ces résultats ont valu à l’Initiative 3N le témoignage de la FAO, qui lui a décerné des Attestations de réussite, Rome 2013 et 2015, ainsi que le 3e prix de la meilleure politique d’avenir par le Word Futur Council (WFC) en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour la Lutte Contre la Désertification (UNCCD) en 2017, dans la catégorie « restauration des terres dégradées et lutte contre la pauvreté ».

La pauvreté étant essentiellement rurale au Niger (3 pauvres sur quatre vivent en milieu rural), la mise en œuvre de l’initiative 3 N a contribué à réduire le nombre de nigériens vivant en dessous du seuil de pauvreté de 63% en 2011 à 44% en 2016. Notre objectif pour 2021 est de baisser ce taux à 31%  et de réaliser « la faim zero au Niger ». Pour ce faire des plans d’investissement sont en cours de mise en œuvre avec un accent particulier mis sur la maitrise de l’eau, la maison du paysan offrant les intrants aux producteurs ainsi que la défense et la restauration des terres, secteurs pour lesquels nous n’avons pas couvert malheureusement la totalité des besoins de financement.

Outil de lutte contre la pauvreté, l’Initiative 3N est par conséquent un instrument de lutte contre la migration clandestine, un instrument de lutte contre le terrorisme. En effet la liaison entre ces fléaux et la pauvreté sont connus. Véritable révolution verte, l’Initiative 3N est aussi un instrument de lutte contre le changement climatique.

Mesdames et Messieurs,

Comme vous l’aurez constaté les axes de l’initiative 3N sont conformes aux ODD.

L’Initiative 3N porte à la fois sur les solutions d’urgence et les solutions structurelles c’est-à-dire à la fois sur les questions humanitaires et sur les questions de développement. Les solutions d’urgence, comme nous le montre l’expérience, coûtent plus chères que les solutions structurelles. Les solutions curatives, c’est bien mais les solutions préventives c’est mieux. C’est sur cette vision que nous travaillons avec tous nos partenaires notamment avec le PAM. Avec le PAM nous cherchons à la fois à sauver et à changer des vies, c’est-à-dire à remplir l’agenda humanitaire et, assurer le développement.

Sauver des vies, c’est ce que nous faisons avec le PAM depuis 1968. Au départ le PAM intervenait dans l’alimentation scolaire, l’assistance alimentaire en situation d’urgence et la nutrition.

 Après les grandes périodes de sécheresses qu’a connues le Niger, il a été jugé nécessaire d’étendre les activités du PAM pour prendre en compte les préoccupations résultant, en particulier de la restauration de l’environnement, la lutte contre la désertification, la production agro-sylvo-pastorale et halieutique, la protection sociale ainsi que la gouvernance.

A partir de 2012 la stratégie du PAM et ses modalités d’intervention ont évolué et se sont adaptées au contexte et au paysage institutionnel du Niger. Ainsi le PAM s’est véritablement engagé à mener toute une gamme d’activités en lien avec les programmes stratégiques élaborées par les institutions publiques dans le cadre de la prise en charge de la Malnutrition Aigüe Modérée (MAM), de la protection infantile, de la nutrition des adolescentes, des achats locaux d’aliments, de la stratégie de transferts monétaires prévisibles pour les ménages chroniquement vulnérables et également dans la réalisation d’importantes études comme celles qui ont porté sur le Coût de la faim (Cost of Hunger) et sur l’Agriculture Intelligente face au Climat/AIC, etc.

D’autres actions  importantes menées sont relatives à la mise en place et l’animation de cadres de concertation multi-acteurs sur le  terrain et au financement des actions liées à l’approche « Communes de convergence ». Le PAM a aussi contribué à l’adhésion de notre pays aux processus internationaux SUN (scaling Up Nutrition ou Mouvement pour le renforcement de la nutrition), REACH (Renew Effort Against Child Hunger and Under-nutrition)  et Défi Faim Zéro.

Le PAM est  présent dans le bassin du Lac Tchad où les violences liées au conflit avec Boko Haram ont engendré le déplacement des milliers des personnes. Cette crise a déstabilisé la région de Diffa précipitant aussi les populations locales dans une grande vulnérabilité. La frontière avec le Mali fait également l’objet d’une déstabilisation croissante. Le PAM fournit une assistance alimentaire dans ces zones pour venir en aide aux victimes des conflits, les réfugiés, déplacés, retournés et les populations locales hôtes.

Pour changer les vies,  le PAM travaille avec le Gouvernement à travers tout le Niger afin que les populations deviennent plus résistantes aux chocs, notamment climatiques, qui menacent les capacités des agriculteurs et les moyens de subsistance. C’est ainsi que le PAM met en œuvre un paquet intégré incluant plusieurs activités complémentaires dans les communes identifiées comme prioritaires et qualifiées de commune de convergence. Permettez-moi de mentionner spécialement, ici, les actions que le PAM dédie à la nutrition et à l’éducation des adolescentes jusqu’à l’âge de 19 ans. Ces actions contribuent à la création des conditions de la transition démographique dans un pays où la population croit de manière exponentielle. Ces actions constituent un élément important de l’opération qui crée le pont entre l’humanitaire et le développement et qui s’articule autour de trois piliers :

–         La mise en œuvre d’un paquet intégré d’interventions visant le renforcement de la résilience au niveau du terrain ;

–         Le développement des capacités ;

–         Le développement des partenariats stratégiques.

Tout récemment, en début 2017, la collaboration entre le Niger et le PAM a été élargie à l’exercice de la revue stratégique Faim Zéro en cohérence avec les politiques et stratégies nationales adoptées par le Niger et avec l’Objectif de Développement Durable n°2 (ODD-2).

Mesdames et messieurs,

S’agissant de la situation alimentaire actuelle au Niger, le gouvernement a élaboré pour 2018 un plan de réponse à l’insécurité alimentaire qui vise à (i) améliorer l’accès aux aliments pour les ménages vulnérables et à l’aliment de bétail pour le cheptel, (ii) renforcer la résilience et protéger les moyens d’existence des ménages fragiles, (iii) contribuer à la réduction de la morbidité et la mortalité liées à la malnutrition et (iv) améliorer le suivi-évaluation et la coordination des interventions. L’objectif chiffré est de venir en aide à 1 624 000 personnes en situation d’insécurité alimentaire sévère en période de soudure et hors soudure. Le coût total des interventions a été évalué à près de 300 millions d’Euros soit environ 200 milliards de francs CFA à mobiliser. Ceci traduit l’importance des défis de mobilisation de ressources pour l’assistance aux populations vulnérables.

Mesdames et messieurs,

Aujourd’hui, les populations nigériennes ont pris conscience de la nécessité de maitriser leur destin. Elles sont activement engagées dans les activités de production et de transformation du monde rural et de l’économie rurale. Elles avancent par le travail dans ces choix politiques et stratégiques du Niger.

Je voudrais au nom du peuple nigérien remercier le PAM pour son engagement à ses côtés,  engagement que le Directeur Exécutif a encore réaffirmé à l’occasion de sa récente visite au Niger, en réaffirmant sa détermination à travailler en étroite collaboration avec les autorités Nigériennes pour la mobilisation de ressources nécessaires à la sortie durable du pays de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle et le renforcement de la résilience des populations.

Mesdames et messieurs,

Je voudrais renouveler ici, notre appréciation pour le partenariat exemplaire qui lie les pays du Sahel à votre institution. En effet, nulle part ailleurs les missions du PAM n’auront trouvé la pleine mesure de leur pertinence qu’au Sahel, compte tenu des défis structurels auxquels cette région est confrontée et dont les causes, si diverses, proviennent notamment des contraintes géographiques, démographiques, climatiques, socioéconomiques et sécuritaires.

Les pays membres du G5 Sahel sont convaincus que nous sommes en ce moment à un tournant historique. En effet, il apparait clairement que la volonté politique pour enclencher un changement positif au Sahel est réelle, tant du côté du leadership des pays membres du G5 Sahel, que du côté de nos amis et partenaires,. Il nous faut donc saisir ce momentum et réaliser rapidement des avancées décisives dans la mise en œuvre des initiatives pour ramener la paix et la sécurité ainsi que pour accélérer le développement multisectoriel de la région sahélo-saharienne. Sur le plan sécuritaire, nous sommes déjà sur la bonne voie avec la mise en place de notre Force Conjointe.

Sur le plan du développement, outre les initiatives individuelles des pays membres, le G5 Sahel a conçu un Programme d’Investissements Prioritaires (PIP), issu de sa Stratégie pour le Développement et la Sécurité (SDS) et veut rendre rapidement palpable pour nos populations, la volonté de transformation positive graduelle de l’espace Sahel. Ce plan en quatre axes dont un axe relatif à la résilience et au développement humain, fera l’objet d’une table ronde des partenaires le  6 décembre prochain à Nouakchott en Mauritanie.

D’autres initiatives importantes relatives au développement et à la résilience des populations du Sahel sont en cours. C’est le cas pour la commission climat de zone Sahel mise en place en marge de la COP 22,  présidée par le Niger et regroupant 17 pays de l’Afrique de l’Ouest, du Centre et de l’Est. Le  processus de l’opérationnalisation de cette commission qui a été validée, devrait  conduire, avant la fin de l’année 2018, à l’élaboration et à l’adoption d’un Plan d’Investissements Climatiques pour la période 2018 – 2030, assorti d’un Plan d’Investissement prioritaire 2018 – 2020. Les 3 et 4 Novembre 2018, se tiendra a Niamey un sommet des  chefs d’Etat et de gouvernements de cette commission, suivi d’une table ronde pour le financement du Plan d’investissement.

C’est également le cas pour la Conférence Internationale sur la Désertification et l’Economie Verte que mon pays s’apprête-t-il à organiser, avec l’appui de certains partenaires dont l’Organisation Internationale de la Francophonie. Cette conférence a pour but de contribuer à mobiliser des appuis supplémentaires pour la mise à l’échelle  de bonnes pratiques capitalisées dans ces domaines.

Les pays du Sahel seraient heureux de compter le PAM parmi les partenaires clés pour la réussite de ces initiatives si importantes pour le développement et la résilience de leurs populations.

Avec l’appui du PAM et des autres partenaires nous sommes convaincus que les défis  qui accablent les populations du Sahel ne seront bientôt qu’un lointain souvenir.

Je vous remercie