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Création du Front Patriotique :Ibrahim Yacoubou ou la logique du moi

Ibrahim Yacoubou, ancien douanier reconverti en opérateur politique, vient de créer son propre front politique à l’opposition qu’il a appelé Front Patriotique dans lequel il a associé quelques micros partis et des acteurs de la société civile. Au jour du baptême de feu dudit front au Palais des Congrès le vendredi 8 Juin 2018, ont brillé par leur absence, les grands ténors de l’opposition politique. Pour les raisons de cette absence, Ibrahim Yacoubou détient une explication toute trouvée : la rupture avec la classe politique issue de la Conférence Nationale.

 Une classe politique « qui a failli » selon ses propres dires comme si lui-même, par extension, n’est pas un produit de la Conférence Nationale. Peut-être qu’il a oublié que c’est elle qui a jeté les bases de la démocratie dont il se veut être le chantre. Cette classe politique qui a mené la lutte pour que se tienne la Conférence Nationale et que naisse la démocratie au Niger, Ibrahim Yacoubou devrait normalement lui être reconnaissant pour avoir participé avec elle à la gestion du pouvoir.

Dans le Front Patriotique d’Ibrahim Yacoubou, hommes politiques et acteurs de la société civile sont certainement jeunes. La jeunesse, un label qu’ils veulent bien brandir au peuple nigérien dans le but, évidemment, de lui faire croire que le développement du pays est une capacité qu’eux seuls en ont le secret.

Cependant, ce que le président du MPN Kishin Kassa a oublié, les nigériens ont souvent misé sur la jeunesse pour conduire les affaires de l’Etat, et celle-ci a été toujours une montagne qui accouche d’une souris. N’est-ce pas que la majorité de ceux qui ont dirigé le pays sont parvenus au pouvoir alors qu’ils étaient jeunes ? Quels a été le résultat ?

Ibrahim Yacoubou entend combattre les « dérives autoritaires » du régime du Président Issoufou Mahamadou. Mais comment va-t-il effacer les traces indélébiles laissées dans les allées de celui-ci ? Est-ce une façon d’être logique avec lui-même en s’acharnant sur des amis dès après que ceux-ci lui aient retiré la cuillère d’or de la bouche ?

Tout le monde se rappelle comment l’anciennement Ministre des Transports Ibrahim Yacoubou a perdu son poste de Directeur de Cabinet Adjoint du Président de la République en 2015 et comment il a été renvoyé du PNDS Tareyya. Vite, il a créé son parti MPN Kiishin Kassa, et, avec véhémence, mené une campagne présidentielle contre Issoufou Mahamadou et sa gestion en 2016. Pourtant, cela ne l’a pas empêché de soutenir celui-ci au deuxième tour. A la composition du gouvernement, il a été bombardé au poste de Ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur.

Chemin faisant, un code électoral a été élaboré et son propre parti le MPN Kiishin Kassa a contribué à le rédiger et l’adopter. Mais voilà Ibrahim Yacoubou qui annonce via Twitter qu’il a démissionné du gouvernement et, en même temps, quitté la majorité au pouvoir. Décision unilatérale prise sans consulter sa base. La suite est connue de tous. Des grincements de dents se sont emparés de son parti et, à cette date, nombreux sont les militants qui l’ont abandonné. Et  la saignée continue de plus belle.

Ibrahim Yacoubou et sa formation politique ont expliqué, en leur temps, avoir quitté Issoufou et la majorité qui le soutient parce qu’ils sont contre le code électoral. Maintenant, ils en rajoutent et disent être contre les dérives autoritaires du Président de la République, la mauvaise gestion du pouvoir et, en même temps, contre la classe politique issue de la Conférence Nationale. D’où la création de ce qu’ils ont appelé Front Patriotique. N’est-ce pas Ibrahim Yacoubou qui a dit aux Nigériens dès le premier mandat que Issoufou aurait fait plus que tous ses devanciers réunis ? N’est-ce pas Ibrahim Yacoubou alors DIRCABA qui a dit que ‘’Namiji na tsaye’’ pour dire que le président Issoufou a été élu parce qu’il est le meilleur ? Ibrahim Yacoubou défenseur des acteurs de la société civile ? Faut-il en rire ou pleurer ? Tant qu’il était dans le système, le gouvernement était démocratique et les droits humains étaient respectés. Du moins reconnaissons que ‘’qui ne dit rien consent’’, dit-on.

Pour les observateurs de la scène politique au Niger, Ibrahim Yacoubou répond par ses agissements à une logique qui lui est propre : « quand tu me laisses manger dans la grande assiette, tu es mon ami, mais si tu me la retire des mains, à l’instant je m’essuie la bouche et tu deviens mon ennemi ». C’est bien connu  ….après moi le déluge !

Bassirou Baki