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L’insécurité  au Sahel : La dimension spirituelle du combat contre le terrorisme

Les spécialistes de la lutte contre le terrorisme reconnaissent volontiers, que le recours à la force militaire est l’un des moyens de lutte contre le terrorisme et non l’unique, pour venir à bout de ce mal pernicieux qui ne connait ni frontière, ni nationalité, encore moins la couleur de la peau. Cette vérité justifie désormais, la venue sur le terrain de la lutte, d’une composante qui privilégie la parole divine, un créneau  longtemps utilisé par les groupes terroristes pour recruter des jeunes désœuvrés et ignorants à qui l’on promet de l’ argent, ici-bas, et paradis à l’au-delà.

Pour déconstruire le discours de la haine distillé par ceux d’en face, la Ligue des Oulémas,  Prêcheurs et Imams des Pays du Sahel, qui regroupe une dizaine de pays, sahéliens et des observateurs non sahéliens, s’est invitée dans le combat de la bonne parole, la vraie, assortie du Coran et des Hadiths (paroles du prophète, PSL).

Comme pour donner une arme supplémentaire au G5 Sahel qui s’apprête  à se déployer partout au Sahel, des exégètes d’une dizaine de pays africains au sein de la Ligue des Oulémas et prêcheurs des pays du Sahel se sont donné rendez-vous à Conakry, en Guinée, en début de ce mois, pour confronter leurs thèses et théories religieuses en matière de lutte contre l’extrémisme violent et  la radicalité, toutes choses qui conduisent à la violence gratuite et au terrorisme aveugle.

Ces pays sont : l’Algérie, le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Nigeria, le Tchad, le Sénégal, la Cote d’Ivoire et la Guinée.

Il s’agissait pour les Oulémas et prêcheurs de ces pays, d’apporter une réponse sans ambigüité, aux organisations terroristes, qui utilisent la religion pour justifier leur ignominie.

Après deux jours d’étalage et de confrontations de théories d’écoles, les érudits religieux reconnaissent à l’unanimité que l’Islam bannit l’extrémisme, le radicalisme et le terrorisme, toutes écoles religieuses confondues, sous toutes ses formes.

La base de travail étant trouvée sans accrocs, ils avaient alors avancé sur le terrain d’élaboration d’un manuel de bonnes pratiques pour l’enseignement  religieux dans les pays du Sahel, menacés par le terrorisme.

« Les valeurs et les principes de l’Islam dans la lutte contre le radicalisme et l’extrémisme violent », ce thème était au centre de leurs échanges ; une rencontre fondatrice, vue sous l’angle de l’implication des théologiens dans la lutte contre le terrorisme.

Pendant deux jours, des érudits des pays du Sahel, auxquels se sont joints des Oulémas du Sénégal, de la Cote d’Ivoire et de la Guinée, dont les pays ne sont pas encore membres de la Ligue, ont confronté leurs théories et savoir religieux, afin d’avoir la même compréhension des préceptes religieux, ce qui permettra  d’aller vers l’élaboration de ce guide de pratiques religieuses consensuel, qui sera le socle des activités religieuses dans les pays  du Sahel.

Ce fut une rencontre de haute facture, où des savants religieux se sont succédés à la tribune, pour dire la parole de Dieu et de Son Prophète Mohamed (PSL). Ils avaient tous, la même lecture et interprétation du Livre saint et des Hadiths, quant à la condamnation de la violence gratuite : l’islam, religion de paix, comme dit son nom, condamne  l’extrémisme violent, le radicalisme et le terrorisme.

Cette identité de théorie, toutes écoles religieuses confondues, a donné force aux participants de l’Atelier de Conakry, d’aller désormais vers des pratiques religieuses communes dans les états membres de la Ligue, ce qui aiderait à déconstruire le discours des marchands de la mort.

Durant cet atelier, les participants sont revenus sur  les différents principes et valeurs de l’Islam susceptibles de jouer un rôle prépondérant  dans la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent.

A ce propos, ils ont insisté sur l’importance de promouvoir les valeurs de paix, de tolérance et de coexistence pacifique auxquelles a appelé  l’Islam et qui ont été la principale caractéristique de la société à Médine à l’époque du prophète, (PSL).

Par ailleurs, au cours des travaux de l’Atelier, des imams et des mourchidâtes, représentant différentes associations musulmanes de Guinée, ont pris part à deux formations. La première avait pour thème : «  le discours religieux et l’impératif du moment ». Cette formation s’est penchée sur l’importance  d’adapter le discours religieux  aux exigences de notre époque ; à savoir une prise en considération de tout ce à quoi la jeunesse de nos pays respectifs a accès comme information, via internet et les réseaux sociaux  et par l’élaboration d’un discours  religieux à même de contenter cette jeunesse et de la conforter dans sa foi, en lui apportant des réponses à des questions d’ordre spirituel  et existentiel qu’elle se pose dans un contexte de mondialisation de plus en plus envahissant.

La seconde formation  intitulée : « Medias et Technologie religieuse », a abordé le problème de la terminologie  liée à l’Islam. En effet, l’usage perverti que certains medias occidentaux font d’un certain nombre de termes, tels que « djihadisme »,  « intégrisme » ou encore  « extrémisme », visant à incriminer l’Islam et les musulmans, mérite d’être corrigé.

C’est pourquoi, au terme de deux jours d’échanges, ponctués d’exégèses, les participants ont convenu  de l’importance  de la formation des différents acteurs  institutionnels impliqués dans la lutte contre  le terrorisme et le radicalisme religieux et la mise en place d’une stratégie africaine promouvant le dialogue interculturel et religieux, en vue d’endiguer  l’influence des idéologies extrémistes et diminuer le potentiel de recrutement des personnes vulnérables par les groupes terroristes.

Ils ont préconisé le renforcement des capacités pédagogiques  des prédicateurs et des imams, à travers des formations  et des sessions de recyclages ciblées, à l’effet de les doter d’outils adéquat quant à l’encadrement  des personnes vulnérables et l’élaboration d’un contre-discours approprié.

Les participants ont également recommandé le perfectionnement du discours religieux afin de le rendre plus mobilisateur à travers la promotion des valeurs  et des principes fondamentaux de l’Islam et inciter les medias à plus d’engagement du point de vue de la promotion des valeurs de l’Islam,  en exhortant à la paix, l’acceptation de l’autre et au vivre-ensemble.

Ils ont également suggéré l’occupation des espaces dans les écoles et surtout dans les cyberespaces pour déployer un contre-discours radical, indispensable à la prévention du phénomène de radicalisation.

Concernant la prévention au niveau des institutions éducatives, il a été recommandé d’adopter trois niveaux de prévention, notamment celle primaire qui consiste à lutter contre la radicalisation cognitive, la prévention secondaire  qui consiste à éviter le basculement des jeunes vers des actes radicaux et la prévention qui vise à favoriser chez les jeunes la rupture avec les idéologies radicalisées et extrémistes.

Le ministre d’Etat, ministre de la Sécurité et de la protection civile  de la République de Guinée M Abdoul Kabelé Camara, qui présidait l’ouverture solennelle de cette rencontre, avait indiqué, entre autres, que « nos Etats ont besoin de paix pour asseoir  leur politique de développement ». « Le terrorisme n’a pas de frontière ; il touche tous les états sans exception. Il faut aider à intégrer les valeurs de paix par la formation et la sensibilisation ».

 « La présente session se tient à un moment où notre région vit sous l’emprise de la peur liée à la montée de l’extrémisme violent et au terrorisme alimentée par des  forces du mal qui,  à travers  les réseaux sociaux et les médias dans leur diversité,  incitent à la commission d’actes terroristes,  intimident, recrutent, radicalisent et font l’apologie de leurs crimes », a  déploré, pour sa part, le représentant de l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL ; un mécanisme africain de Coopération et de Coordination, en matière de lutte contre le terrorisme), partie prenante à l’organisation de cette rencontre de Conakry.

Sidikou Soumana estime qu’en « organisant conjointement le présent atelier, l’UFL et la Ligue des Ulémas  sont guidées  par le souci de restaurer  la paix et la stabilité dans une région marquée par la persistance et l’extension de la menace de l’extrémisme violent et du terrorisme.

Et  M. Sidikou de poursuivre : « marginaliser, discréditer les discours extrémistes, harmoniser les concepts usuels et promouvoir les valeurs de la paix, la tolérance, la cohésion sociale, l’acceptation d’autrui, le dialogue interculturel et interreligieux et la réconciliation, c’est contribuer à la fois à la réduction de la mobilité des forces du mal, de leur propagande,  de leur moyen de radicalisation et de recrutement, somme toute nécessaire  à l’affaiblissement de leurs capacités de nuisance ».

Cependant, a-t-il nuancé, ces objectifs ne peuvent être atteints que par la promotion d’une coopération régionale et internationale plus étroite et mieux coordonnée  dans le domaine de la sécurité, de la culture des valeurs communes, des principes  de l’islam et de partages des bonnes pratiques  et un recours à une politique plurisectorielle de déradicalisation et de prévention, impliquant toute une gamme d’acteurs plus vaste que les organismes de sécurité dont les institutions publiques, la société civile et surtout les citoyens.

 Il s’agira en effet, selon lui, d’investir davantage dans la prévention que dans la répression, dans la culture de la tolérance et du dialogue que dans celle de la militarisation et de l’action armée, dans la primauté de la justice sociale et économique et de l’Etat de droit que dans la division et la confrontation.

Dalatou Malam Mamane

Envoyé Spécial

(Niger Inter Magazine N°012)