Un ancien rebelle de la Séléka. © Patrick Fort/AFP

Centrafrique: Ce qu il faut retenir du forum de Bangui

Le forum de Bangui s’est achevé lundi par une cérémonie solennelle organisée à l’Assemblée nationale. Pendant une semaine, près de 600 participants venus des quatre coins du pays ont débattu de l’avenir de la Centrafrique. Quelles décisions importantes ont-ils pris ?

Le DDR

L’accord de Désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) signé entre neuf groupes armés et le ministère de la Défense est un passage obligé vers le règlement de la crise centrafricaine. Il engage chaque groupe à cesser immédiatement la lutte armée, à prévoir le regroupement dans un bref délai des combattants dans différents sites. Leur prise en charge sera faite par le gouvernement avec l’appui de ses partenaires. Ils pourront soit être candidats à une intégration dans les corps en uniforme de l’État (l’armée, la gendarmerie, la police, les Eaux et forêts), soit être reconduits à l’intérieur du pays pour bénéficier de programmes de développement communautaire générateur de revenus.

Sur ce point, les critères d’intégration restent très flous, comme la taille de la nouvelle armée centrafricaine. Les combattants étrangers (notamment les Tchadiens et Soudanais) seront quant à eux rapatriés dans leurs pays d’origine s’ils n’ont pas commis de crime de guerre.

>> Lire aussi : à quoi sert le forum de Bangui ?

« Je veux croire qu’une page est vraiment tournée en Centrafrique, a déclaré dimanche à Bangui le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la République centrafricaine, Babacar Gaye, après la signature de l’accord. Sur ce chemin de la paix, le pas qui a été franchi aujourd’hui est un pas très important « .

Assez critique, un ancien ministre estime que « créer une armée avec des membres de différentes factions est trop dangereux pour un pays aussi instable politiquement que la Centrafrique ».

Report des élections et reconduction de transition

C’est l’autre grande décision du forum. À l’annexe du rapport de la commission « Gouvernance », trois propositions fortes ont été formulées par les participants : le report des prochaines élections (prévues en juin-juillet) après concertation entre l’Autorité nationale des élections (ANE) et d’autres institutions, la saisine de la conférence des chefs d’États de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) pour la prolongation de la transition et le maintien des hautes autorités de la transition jusqu’aux élections.

>> Lire aussi : CSP, son ministre et les « grandes oreilles »

Élue en février 2014, la présidente de transition, Catherine Samba-Panza, devrait donc rester en place jusqu’à la fin de l’année au minimum. Tout comme son Premier ministre, Mahamat Kamoun, et le président du Conseil national de transition (CNT) Alexandre-Ferdinand Nguendet.

Justice et réconciliation

La lutte contre l’impunité était l’un des recommandations principales des délégués. Le Forum de Bangui a donc recommandé la création de structures devant permettre justice et réconciliation. Une Commission vérité, justice et réconciliation, ainsi que des comités locaux de paix et de réconciliation doivent être mis en place. Le Forum demande également la création d’une commission d’enquête sur les crimes transfrontaliers, notamment ceux de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA).

Absents et mécontents

L’événement se voulait inclusif, il ne l’aura pas été. Une des trois composantes de l’ex-Séléka, celle dirigée par l’ancien président Michel Djotodia et son numéro deux Noureddine Adam, a refusé de prendre part au débat. Djotodia comme son prédécesseur François Bozizé ont été exclus des discussions. En conséquence, le parti de Bozizé, la Convergence Nationale Kwa Na Kwa (KNK), a lui aussi boycotté l’évènement.

Le déroulement du forum n’a pas fait que des heureux. La reconduction de la transition fait polémique. Au moment où les recommandations du forum de Bangui étaient lues dans l’hémicycle du CN, plusieurs centaines de manifestants demandaient la démission de Catherine Samba-Panza et la libération de membres de l’ex-Séléka et des anti-balaka. La Minusca a dû intervenir. Des coups de feu ont été entendus.

>> Lire aussi : la justice française va enquêter sur l’affaire des viols sur mineurs

Vincent Duhem

Jeune Afrique