Diendéré, un mal burkinabè

On le décrit comme grand de taille et froid de caractère. Depuis 1987, ses compatriotes le regardent avec beaucoup de crainte et de méfiance. En effet, même s’ils n’aiment pas en parler-et pour cause-ils restent majoritairement convaincus que Gilbert Diendéré est l’exécuteur des basses œuvres ayant permis l’ascension et le maintien de Blaise Compaoré au pouvoir : assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons en octobre 1987, puis celui de Norbert Zongo en 1998 ; militarisation du régime avec la création du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ;  dévoiement de la démocratie avec un parti présidentiel tout-puissant( le CDP, dont son épouse est vice-présidente), etc.  Gravissant les échelons de l’armée et gagnant de plus la confiance du président, il a mené une carrière sans heurts pendant près de trente au service du maître. A  la manœuvre encore au moment des événements d’octobre 2014 en tant que chef d’état-major particulier du président, Gilbert Diendéré n’a pu cependant empêcher que leur régime soit emporté par  une insurrection populaire. Alors, il se rachète en organisant la fuite de Blaise, et en noyautant le pouvoir de transition. Son adjoint Isaac Zida en devient le Premier ministre, et il n’est un secret pour personne que le président Kafando était une candidature chuchotée par les militaires.

La rupture est venue de la volonté des Autorités de la transition de faire un sort au RSP et aux candidatures aux élections prévues en octobre des anciens dignitaires du parti de Blaise. Ce, conformément à la volonté populaire. Il n’en faut pas plus pour que mercredi dernier, à trois semaines du scrutin présidentiel, Diendéré se fâche et mette un terme à la transition dont on comprend bien qu’elle n’a jamais été dans son cœur même s’il en est partie. Il n’en faut pas plus encore pour que le peuple, devant cette spoliation de sa souveraineté, revienne dans la rue imposer au Général Diendéré la poursuite du processus de retour à la démocratie entamé en 2014.

En exécution de son mandat, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) a dépêché deux chefs d’Etat à Ouagadougou pour trouver une solution à l’imbroglio burkinabè. Après d’intenses négociations et rencontres, les présidents Macky Sall et Boni Yayi ont fait une proposition en trois points essentiels : remise en selle des autorités de la transition, élections inclusives au plus tard le 22 novembre, amnistie pour les putschistes. Ce dernier point était proprement inacceptable, et potentiellement dangereux pour tous les Etats, qui doivent désormais accepter que les hommes qui détiennent les armes de la République tentent de s’approprier les commandes de celle-ci, restent au pouvoir si possible, et sont amnistiés s’ils ne peuvent rester. Fallait-il croire, comme la CEDEAO, que mettre fin violemment à un processus démocratique, en tuant au passage quelques dizaines de personnes et en retenant comme otages un président et son premier ministre, n’est pas chose grave ? Et mérite même une amnistie comme récompense ? La CEDEAO a dû faire machine arrière, car il n’y a pas une lecture africaine des droits de l’homme, du respect de la dignité humaine et de la promotion de la démocratie. On ne peut sacrifier ces valeurs universelles au profit d’un individu, de surcroît putschiste (et bien autre chose en mal), en lui tressant des lauriers au lieu de sanctionner ses forfaits. Diendéré a commis une forfaiture. C’est ainsi que cela s’appelle, et c’était une de trop. Pour cette raison, le pouvoir rétabli de la transition, avec le soutien des Etats comme le Niger dont les responsables se sont prononcés clairement, doit définitivement faire en sorte que Diendéré et ses comparses  ne soient plus être en mesure de troubler le sommeil des burkinabè.

Maï Riga (Le Républicain, 24 septembre 2015)