De l’Etat de droit et de ses acteurs

Pour avoir fui, il ne devait pas rentrer triomphalement. Et c’est ce qui fut fait.

De retour (enfin !) samedi dernier à Niamey, M. Hama Amadou, qui s’était volontairement exilé pour se soustraire à une enquête judiciaire relative à l’affaire dite des bébés importés, a été appréhendé dès sa descente d’avion et écroué à Filingué. Loin du vacarme et de l’atmosphère insurrectionnelle que son parti a voulu installer sous le prétexte de l’accueillir dignement, l’ancien président de l’Assemblée nationale sera effectivement mis à la disposition de la justice. Ainsi, et selon la formule consacrée, force reste à la loi.

Avec leur habituelle lecture tronquée de la vie politique au Niger, les partisans de Hama Amadou n’ont pas tardé à crier au scandale et à l‘injustice, pire à la dérive autoritaire et totalitaire. Ils nient que le Niger soit un Etat de droit et répandent sur les réseaux sociaux des appels à la résistance du peuple. Manifestement, celui-ci ne les entend guère et ne se sent point concerné par les aventures et mésaventures d’un homme que son égo ne cesse d’envoyer à la perdition. Entraînant avec lui, tel un gourou, des fanatiques dont on ne sait plus s’ils agissent au nom d’un parti politique ou d’une secte.

Les partis alliés de Lumana (le parti de Hama) eux ont bien compris et gardent une sorte de réserve qui s’explique d’une part par la conscience qu’ils ont de plus en plus du caractère judiciaire du dossier, d’autre part par le sentiment d’être manipulés par Hama pour son unique profit politique. Récemment encore, l’ancien exilé a déclaré qu’il est l’unique « détenteur » des régions de Niamey et Tillabéry, tandis que Mahamane Ousmane « posséderait » Zinder, Issoufou Mahamadou Tahoua, Maradi et Diffa restant contrôlés par « leur » Tandja. Quid de Seyni Omar, le chef de file de l’opposition qui a arraché de haute lutte ce titre en venant deuxième à la présidentielle de 2011 ? Les dirigeants du Front patriotique et républicain (FPR) ont beau afficher une unité et une solidité de façade, les partisans de Seyni Omar et de Mahamane Ousmane n’en restent pas moins conscients qu’ils sont de corvée pour tirer Hama du guêpier judiciaire et le propulser au meilleur rang possible lors des élections à venir. Leur absence de mobilisation samedi dernier et les jours qui ont suivi est la traduction de l’exaspération d’une bonne frange de l’opposition. Celle-ci n’est plus un long fleuve tranquille depuis l’arrivée en son sein de Lumana : elle est devenu une machine de casse et de sape vilipendée par l’opinion publique, ses leaders locaux brûlant les pneus aux cotés de badauds, pillant les boutiques et détruisant les édifices publics, bref ne se faisant plus respecter de personne. Aussi, il n’est pas exclu que dans les prochains jours, la partie de l’opposition politique animée de bonne foi – si tant est qu’elle existe encore – tire les leçons des derniers événements, arrête de mener un combat politique contre un dossier judiciaire, et préfère aller préparer, pendant qu’il est temps, sa participation aux élections. C’est la voie de la raison…politique.

En s’enfuyant nuitamment il y a quelques mois pour rallier Ouaga puis Paris, Hama Amadou avait manqué à son devoir. En le mettant à la disposition de la justice samedi, les Autorités nigériennes ont fait le leur. L’Etat de droit n’est en rien remis en cause, ni la démocratie écornée. L’Etat de droit, ce n’est pas une justice qui s’applique à certains, et qui ne s’applique pas à d’autres. L’Etat de droit, c’est un homme face à ses juges. Et aussi et surtout, le respect des droits + l’ordre public.

Maï Riga