Ceinture Verte NIAMEY © NigerInter.com

ENVIRONNEMENT: Lente agonie du poumon écologique de Niamey

Face aux défis environnementaux et afin de protéger la ville de Niamey des intempéries, les autorités nigériennes ont créé depuis plusieurs années un espace vert communément appelé ceinture verte. Alors que la ville est confrontée à des défis environnementaux énormes, « la forêt de Niamey », elle, est menacée de disparition.

Coupe abusive des arbres, morcellement de plusieurs hectares, déversoir des ordures ménagères solides et liquides, occupation anarchique et illégale, lieu de débauche et champ de culture. L’image qu’affiche aujourd’hui la ceinture verte de Niamey n’est guère reluisante. Pourtant, tel n’est pas le but visé à travers la création de la ceinture verte.

Créée dans les années 1965, la ceinture verte de Niamey avait pour but de promouvoir le reboisement urbain. La création de cet espace vert vise à protéger la capitale du Niger des intempéries pour la création d’une bande verte périurbaine large d’1 km et longue d’environ 25 km. Environ 20 hectares de verdures ont été créés, permettant ainsi la mise en place d’un microclimat dans la capitale, ainsi que la protection de la ville des vents de sable.

Environ 40 milliards de francs CFA ont été investis de 1965 à 1994 par les autorités pour protéger et entretenir la ceinture verte de Niamey. Du reste, cet espace vert apparait comme un objet de fierté nationale pour tous les nigériens en ce sens que dans la sous région, « c’est la plus importante forêt artificielle plantée par l’homme », déclarait Adamou Namata, alors ministre de l’Environnement. Aujourd’hui 28% de la superficie de cet espace vert est lotie et ou mis en valeur.

Espace de plus en plus banalisé

En dépit de son importance pour les populations et au-delà pour la capitale du Niger, la ceinture verte est aujourd’hui confrontée à plusieurs défis qui menacent même son existence. « La Ceinture Verte de Niamey est devenue comme un espace ordinaire, vendu aux promoteurs immobiliers, une décharge publique sauvage où sont déversées ordures et eaux usées au grand dam des responsables des services en charge de l’environnement et au mépris des textes de la République », caricature le Syndicat national autonome des travailleurs des eaux et forêts (SNATEF).

S’ajoute également les actions entreprises par le gouvernement et les autorités municipales. Ainsi, après avoir déclaré, en conseil des ministres, la ceinture verte espace d’utilité publique, le gouvernement s’arroge le droit d’affecter une grande partie à la construction de la gare ferroviaire de Niamey et à la construction d’un champ de tirs à la police nationale. L’ancien quartier Golf, situé en pleine ceinture verte, mais déguerpi à cause de la débauche et la récurrence des incendies qui y ont pris racine, a été affecté à la construction du parc d’amitié Nigéro-turc.

Quant aux autorités municipales, elles n’hésitent pas à affecter des hectares de la ceinture verte à la construction des habitations pour des particuliers. Un nouveau quartier dénommé « Irak » a même vu le jour au sein de la ceinture verte. Ces actions entreprissent par les autorités municipales et le gouvernement ont vraisemblablement inspiré certaines personnes qui se réclament les « ayants droits » des espaces affectés à la ceinture verte. Des squatters ont pris place par la volonté de ces « ayants droits » qui louent les espaces pour la construction des habitations de fortune moyennant 5000 francs CFA par mois, comme frais de location. En saison des pluies, la ceinture verte devient un champ d’agriculture et partant une zone d’insécurité.

D’énormes efforts consentis pour arrêter la dérive, mais…

Convaincus de son importance, l’Etat du Niger et ses partenaires ont consenti d’énormes investissements. C’est le cas en 2008, sous financement du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), de l’organisation d’un forum national sur la ceinture verte afin de prendre la mesure des menaces dont fait face le poumon écologique de Niamey. Entre autres décisions prises au cours de ce forum, est l’organisation de la cérémonie de plantation d’arbres à l’occasion de la fête nationale de l’indépendance, dédiée depuis 1975 à la plantation d’arbres, sur la place de la ceinture verte. Il a été également décidé de mettre en place un comité de dédommagement des populations qui pouvaient se déclarer occupantes ou propriétaires de la ceinture verte.

Autres mesures de protection, l’article 3 du décret du 09 juillet 2004 portant protection des espaces verts et ceintures vertes qui stipule que « Sous réserve de l’autorisation préalable et conjointe des ministres en charge des forêts et de l’urbanisme, il est interdit à toute personne morale ou physique de procéder ou de faire procéder au morcellement des espaces verts, ceintures vertes et arboreta ; de déverser, d’enfouir ou d’épandre aux abords et dans les ceintures vertes et espaces verts des déchets solides ou liquides ; de couper les arbres dans les espaces verts, les ceintures vertes et les arboreta, d’épandre le contenu des fosses septiques dans les espaces verts ; les ceintures vertes et les arboreta ; d’utiliser les espaces verts, ceintures vertes et arboreta comme lieux d’habitation, d’installation des marchés, de manière générale, il est interdit toute activité polluante et ou susceptible de porter atteinte à l’intégrité de ces endroits ».

L’ancien ministre de l’Environnement, de la Salubrité urbaine et du Développement urbaine, Adamou Chaifou, a également rappelé à l’ordre les contrevenants aux opérations de lotissement et/ou de morcellement dans l’emprise des espaces verts, dont la ceinture verte. « Toute opération de lotissement et/ou de morcellement dans l’emprise de la Ceinture Verte de Niamey, des forêts classées, des terres de restauration et des périmètres de plantation ainsi que la mise en valeur des parcelles sur ces terres, au mépris de la réglementation en vigueur, est interdite », a-t-il déclaré dans un communiqué.

En dépit de toutes ces mesures, la ceinture verte poursuit sa lente agonie. Et pour cause ! Le reboisement entrepris n’a pas porté ses fruits à cause d’un certain nombre de raisons. Les autorités municipales chargées d’arroser les arbres plantés n’ont jamais tenu leur engagement, tandis que les populations qui se réclament propriétaires des espaces se permettent nuitamment d’arracher les plantes. En outre, le comité mis en place pour dédommager les « ayants droits » n’a jamais publié les résultats de ses travaux et cette question reste en suspens.

En somme, pour stopper la disparition lente mais certaine du poumon écologique de Niamey, il est temps d’arrêter la dérive et d’appliquer les lois et règlements de la République pris pour protéger la ceinture verte de Niamey.

 

Almoustapha Boubacar ( Niger Inter Magazine N°005 )