Tribune : Trêve de marches !

            La meilleure manière de dominer un adversaire sans courir un péril, est d’avoir affaire à un plus faible que soi. On en trouve pourtant, à foison, des téméraires qui mettent un point d’honneur à se retrouver dans tous les coups qui peuvent créer des troubles, bravant sans ménagement la puissance publique, les droits et les libertés aidant. Si la mouche qui pique certains les pousse à emprunter la voie menant vers la défense des intérêts du peuple, en ne leur inoculant que le gène du bien, l’organisme de la plupart de ces téméraires les transforme en candidats bourrés d’une ambition démesurée.

 Entre savoir rassembler des mécontents d’un jour et pouvoir se faire une assise populaire durable, il y a un inaltérable crédit de confiance. Or, celui de notre société civile s’est profondément érodé. Pour sauver, avec beaucoup de chance, le peu qu’il lui reste, le milieu civil a besoin d’une hygiène intellectuelle et civique afin d’extraire de son sein, les innombrables conseillers toxiques, techniques ou spéciaux en analyses stratégiques de déstabilisation.

Oui, ils en ont aussi, des conseillers en tout genre. Sachant qu’il n’y a rien de plus aisé que de démarquer ce qui est trouble de ce qui ne l’est pas, cette purge, loin de semer une psychose parmi les OSC, ne fera que les renforcer. Par les temps qui courent, n’importe quel citoyen peut écrire des chapitres entiers sur leurs hauts faits et sur leurs revirements les plus récents. Si quelques-uns sont foncièrement attachés aux nobles idéaux qu’ils défendent à travers les rues, ceux qui pullulent dans le milieu sont viscéralement vaccinés contre ce qui est bien. Ce qui est bien, c’est abandonner le jusqu’au-boutisme et aller échanger avec les autorités, par exemple. Mal en a pris ceux qui avaient boudé les négociations ayant suivi les mouvements de 2005 et à l’allure où évolue la situation, cette même position semble conservée pour 2018, parce que l’incivisme n’avait pas été prêché à l’époque. Bien au contraire.

Le souci de l’ordre impose à tout Etat d’être en mesure de résister aux influences extérieures telles que « sauvons tel pays, tournons telle page, balai citoyen qui en a marre », tant que le but majeur est de semer les graines du désordre partout où cela leur est possible. Il est très peu sûr d’obtenir la satisfaction des caprices de quelques riches politico-activistes, tant qu’ils s’encombreront de l’appui d’autrui pour accomplir un exploit. Puisque les mouvements n’ont pas encore abouti aux résultats attendus par les organisateurs, l’espoir étant d’ailleurs très mince pour qu’il en soit ainsi, l’alternative devait être une trêve d’un côté et la main tendue de l’autre. Il ne peut pas être si simple d’obliger le gouvernement à revoir sa copie, tant que ce sera avec le soutien inconditionnel de ceux qui ne reconnaissent pas la CENI et refusent d’aller au CNDP.

 Chacun de nous a la possibilité de vivre avec l’espoir, vivre sans inculquer la peur du lendemain dans les esprits, vivre avec la ferme volonté de ne faire que du bien : cette possibilité est la seule raison, presque la plus noble, pour avoir le droit de dire son mot dans la gestion globale du pays. En dehors de l’avidité trop affirmée à conquérir le pouvoir, il n’existe pas une raison plus forte conduisant à se soustraire volontairement de cette possibilité.

  Nous devons reconnaître qu’il est difficile de rester indifférent à l’ampleur que prend cette contestation dont le côté un peu curieux qui titille les méninges des consommateurs est cette détermination toujours attendue mais jamais arrivée avant, pendant et après le ramadan ; moment pendant lequel les prix flambent et ne redescendent plus, au vu et au su des mêmes OSC qui s’agitent.

Pour désamorcer la crise, nul ne doit penser que se retrouver autour d’une table entre nigériens, serait assimilable à une capitulation d’un gouvernement qui ne s’intéresse qu’à ce qui intéresse les nigériens ou à une lourde défaite des OSC qui affirment aussi ne s’intéresser qu’à ce qui intéresse les nigériens. Il faudra inévitablement aller vers l’apaisement en brisant l’impasse. Dans le cas contraire, n’en pouvant plus d’éroder les semelles, la nouvelle trouvaille consistant à user les fesses sur l’asphalte brûlant, se heurtera à l’usure qui fera son œuvre puis tout rentrera dans l’ordre. Il en est ainsi des nombreuses luttes, justes ou fantaisistes, que ce pays connut. Mais en attendant qu’une compréhension mutuelle vienne à s’installer, évitons de nous mettre dans la posture du défenseur qui a l’habitude de marquer contre son camp. La Nation y gagnerait.

   Innocent Raphael D.