Discours du Ministre d’Etat, à la cérémonie d’ouverture de la réunion de coordination de la lutte contre le trafic illicite de migrants.

A l’occasion de la réunion de coordination de la lutte contre le trafic illicite de migrants tenue à l’Hôtel Soluxe de Niamey ce vendredi 16 Mars 2018 qui a réuni les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères des pays du G5 Sahel, des pays et institutions partenaires pour la lutte contre le trafic illicite des migrants, M. Bazoum Mohamed, ministre d’Etat, chargé de l’intérieur, de la sécurité publique, de la décentralisation et des affaires religieuses le ministère d’Etat a tenu cette importante allocution.

– Monsieur le Commissaire européen à la migration, aux Affaires intérieures et Citoyenneté 
– Messieurs les Ministres 
– Monsieur le représentant du Secrétaire Général de l’ONU
– Monsieur le représentant de la Commission de l’Union Africaine
– Monsieur le Secrétaire Général de la CENSAD ;
– Monsieur le représentant du G5 Sahel 
– Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ;
– Honorables invités ; 
– Mesdames et Messieurs, en vos titres, grades et qualités

Permettez moi de vous remercier tous, du fond du cœur, d’avoir bien voulu accepter de répondre favorablement à notre invitation de participer à la présente réunion consacrée à la coordination de la lutte contre le trafic illicite des migrants et la traite des êtes humains.

Votre présence à cette rencontre de Niamey témoigne de l’importance que tous nos Etats accordent à la lutte contre ce fléau pour lequel la jeunesse de la région ouest africaine paie un lourd tribut.

Bienvenue donc à tous et bon séjour au Niger.

Mesdames et Messieurs,
La lutte contre le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains a été ces dernières années au centre de nombreuses rencontres internationales auxquelles nos différents pays ont pris part.
C’est ainsi que les 11 et 12 novembre 2015 s’est tenu un sommet international sur la migration irrégulière à la Valette à Malte qui a donné naissance au Plan d’Action Conjoint de la Valette convenu entre l’Europe et les pays africains.
Ce sujet a été aussi au centre de la déclaration conjointe adoptée à Paris le 28 août 2017 par le Niger, le Tchad, la Libye, l’Union Européenne, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Cette déclaration a eu à affirmer la volonté de ces Etats à lutter contre les réseaux de passeurs afin de réduire les flux de migrations irrégulières vers l’Europe et de protéger les migrants contre les atteintes à leurs droits.
La même préoccupation a été au cœur du Sommet Union Européenne – Union Africaine tenu à Abidjan le 29 Novembre 2017 qui a adopté un plan soulignant la nécessité de renforcer la coopération entre les services de sécurité intérieure et ceux des renseignements pour lutter contre les réseaux en vue de mettre un terme aux trafics d’êtres humains et aux crimes subis par les migrants.
Les différentes rencontres du Groupe de Contact pour la Méditerranée Centrale tenues à Rome le 20 mars 2017, à Tunis le 24 juillet 2017 et à Berne le 13 novembre 2017 ont régulièrement traité de cette question avec à l’esprit de créer les conditions à même de permette d’améliorer les résultats des mesures prises pour réduire le fléau.

Mesdames et Messieurs,
De nombreux engagements pour lutter contre la migration irrégulière ont été pris lors de ces différentes rencontres.
C’est pour mettre en œuvre ces engagements que le Niger, qui assure actuellement la Présidence du G5 Sahel, a saisi cette opportunité pour organiser la présente réunion dont l’objectif est d’identifier des actions concrètes en vue de renforcer la coopération entre Etats d’origine, de transit et d’arrivée de migrants irréguliers.
A cette fin, la réunion se focalisera sur le soutien opérationnel à apporter aux pays engagés dans la lutte contre le trafic de migrants et à définir les mécanismes concrets de coopération entre les services de sécurité intérieure et les services de renseignement, avant de mettre en place un dispositif de suivi de la mise en œuvre des engagements qui en seront issus.

Mesdames et Messieurs,
Permettez moi de rappeler que, dans le cadre de la mise en œuvre des engagements qu’il a pris en matière de lutte contre le trafic illicite de migrants, mon pays a, dès juillet 2016, défini une doctrine opérationnelle visant à lutter contre la migration irrégulière à travers l’application stricte des textes relatifs à la migration.
C’est ainsi que :
– Tout étranger, fût-il ressortissant d’un pays membre de la CEDEAO entré régulièrement, lorsqu’il est pris dans un véhicule qui a quitté Agadez ou Arlit de façon frauduleuse en direction de l ’Algérie ou de la Libye perd son droit à la libre circulation au Niger. Il est intercepté et ramené à Agadez, à charge pour lui de continuer de tenter son aventure ou de rejoindre volontairement le centre de transit de l’OIM pour se faire acheminer chez lui ;

– Une procédure judiciaire est engagée contre les chauffeurs et les véhicules pris dans ces circonstances.

– Un dénombrement rigoureux des migrants entrant dans la ville d’Agadez à partir des Poste de Police de Tanout et d’Abalak est effectué en vue de cerner les flux de migrants en transit et leurs nationalités ;

– Un relevé exhaustif des coordonnées GPS des points d’eau susceptibles d’être utilisés par les trafiquants dans le désert a été effectué ;

– Les «ghettos» servant à loger les migrants irréguliers sont identifiés ;

– Des patrouilles intenses sont organisées dans des zones ciblées, tant dans la ville d’Agadez et ses environs que dans le désert.

Mesdames, Messieurs,

La mise en œuvre de ces mesures a permis à mon pays d’enregistrer des résultats très appréciables au niveau de tous les indicateurs de performance retenus dans le cadre de son programme de lutte contre la migration irrégulière à l’horizon 2021.
C’est ainsi que nous avons divisé par 10, autrement dit réduit de 90% le nombre de migrants potentiels entrant par mois dans la ville d’Agadez entre octobre 2016 et janvier 2018. En 2017, environ 22.000 migrants sont entrés dans la ville d’Agadez. Ce résultat est déjà au delà de la cible de 25.000 migrants retenue pour 2021.
Le nombre de trafiquants déférés en justice s’élève à 268 en 2017 et 140 véhicules de trafiquants ont été immobilisés durant cette période.
Par ailleurs, le nombre de migrants interceptés est passé de 2653 en 2016 à 6159 en 2017
Enfin, 22 personnes ont été condamnées en 2016 et 37 personnes condamnées, 45 véhicules et motos confisqués, 125 véhicules et motos immobilisés, en 2017.

Mesdames et messieurs,

Ces résultats fort appréciables ont été obtenus grâce au renforcement des capacités des Forces de Défense et de Sécurité à partir des ressources propres et des financements des partenaires dans le cadre du programme de la Valette et de la coopération bilatérale.
C’est ici le lieu de reconnaitre les apports réalisés par nos partenaires à travers Eucap –Sahel Niger et le Système d’information policière pour l’Afrique de l’Ouest (WAPIS) qui ont permis de renforcer les capacités techniques de nos Forces de sécurité intérieure.

C’est aussi l’occasion de manifester notre gratitude envers l’Union Européenne et l’Allemagne pour leurs appuis en équipement à nos forces de sécurité engagées dans la lutte contre le trafic illicite de migrants, sans oublier le soutien en infrastructures de surveillance du territoire de la coopération italienne.

Dans le cadre du renforcement de la chaine pénale dans la lutte contre la traite et le trafic illicite des migrants, la création d’un Pôle judiciaire spécialisé sur la traite et le renforcement des capacités techniques d’investigation du Personnel à travers l’Equipe d’Investigation Conjointe (ECI) a permis de démanteler de nombreux réseaux criminels liés à l’immigration irrégulière, la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants.

La protection et l’assistance aux victimes de la traite ont été effectuées à travers les centres d’accueil des victimes de la traite de l’OIM et de l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes (ANLTP).
Dans le même cadre, le Gouvernement de la République du Niger et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) ont signé en décembre 2017, un Accord sur l’instauration d’un mécanisme d’évacuation d’urgence et de transit de la Libye vers le Niger des personnes relevant du mandat de l’UNHCR.
Il convient cependant de signaler que ce mécanisme n’est pas encore totalement fonctionnel car sur plus d’un millier de personnes évacuées de Libye, seules vingt cinq (25) ont pu à ce jour être installées en Europe.

Mesdames, Messieurs,

Au lendemain du Sommet de la Valette, le Niger a mis au point un programme libellé Programme de Développement Durable pour la Prévention et la lutte contre la Migration Irrégulière qui comprend notamment une composante centrée sur le développement économique et social des populations affectées par la migration irrégulière.
La plupart des actions programmées dans cette composante n’ont pas encore eu de financement.
Le Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’Union Européenne, mis en place pour financer les actions de cette composante est inaccessible aux structures nationales d’exécution , ce qui n’a pas permis de prendre en compte les besoins identifiés dans le programme nigérien de la Valette ainsi que les plans de développement communaux.

Mesdames et Messieurs,

L’efficacité de la lutte contre le trafic de migrants et la traite de personnes peut être significativement améliorée à travers une bonne coopération entre les forces de sécurité intérieure et les services de renseignement aussi bien au niveau national, régional qu’entre les différents Etats d’origine, de transit et de destination des migrants.

Au Niger, avec l’adoption de la Loi portant sécurité intérieure en 2017, les Forces de Sécurité Intérieure ont été placées au cœur du dispositif de répression du trafic illicite des migrants. Elles travaillent aujourd’hui à la mutualisation de leurs efforts par des échanges d’informations entre elles et le partage des renseignements avec les Services de renseignements pour tendre vers une plateforme commune regroupant les structures opérationnelles de sécurité et de renseignements.
Au niveau régional et international, notre pays a déjà signé des accords de coopération bilatérale en matière de sécurité avec le Mali et le Burkina Faso. Des accords de coopération multilatérale en matière de sécurité existent également dans le cadre de la CEDEAO, de l’UEMOA, de la CENSAD, du Conseil de l’entente et à une plus grande échelle, l’Union Africaine.
C’est pourquoi, il devient opportun d’encourager la ratification par les pays concernés de tous les protocoles et conventions de la CEDEAO contre la traite des Personnes et le Trafic illicite de Migrants, le terrorisme et le crime organisé afin de s’inspirer de cet arsenal juridique pour développer la coopération policière entre les Etats d’origine, de transit et de destination.
Dans le cadre de la coopération judiciaire, il s’avère utile de soutenir et de renforcer les dispositifs de coopération judiciaire dans la sous région ouest africaine et entre cette sous région et les pays de destination.

Mesdames et Messieurs
Chers invités

Cette réunion nous offre l’opportunité de mettre en commun notre intelligence pour identifier les actions nous permettant de renforcer la coopération opérationnelle entre nos différents Etats engagés dans la lutte contre le trafic illicite des migrants.

Elle est aussi l’occasion d’esquisser les mécanismes de coopération entre les forces de sécurité intérieure et nos structures chargées de renseignement dans l’optique d’améliorer l’efficacité de la lutte contre les réseaux de trafiquants de migrants et d’êtres humains.

Elle nous permettra enfin de convenir des modalités de suivi de la mise en œuvre des engagements auxquels nous aurons à souscrire à travers notre déclaration conjointe.
Au niveau international, le Niger s’active dans toutes les rencontres qui vont, très bientôt, consacrer l’adoption du Pacte mondial pour la migration ainsi que du Pacte mondial pour les réfugiés.
Le Niger se réjouit d’apporter déjà une contribution concrète au contenu de ce pacte grâce à sa solidarité envers les personnes en situation d’extrême vulnérabilité qui sont évacuées au Niger.
La tenue d’une rencontre de cette importance représente une occasion inestimable pour nos pays de montrer notre engagement dans la recherche de réponses communes et humaines à la situation des migrants le long de la route migratoire.
C’est convaincu que la présente rencontre permettra d’approfondir cet engagement collectif avec des résultats sûrs que je déclare ouverte la « Réunion de coordination de la lutte contre le trafic illicite de migrants et la traite des êtes humains »

Je vous remercie.