Licence 4G en Afrique : comment le niveau du PIB à parité du pouvoir d’achat (PPA) pénalise le Niger

L’attribution d’une licence mobile 4G à Celtel Niger pour un montant de 12 milliards de F CFA et pour une durée de 15 ans fait polémique dans notre pays. Sans chercher à comprendre cette dynamique, chacun va de son commentaire. Qu’est-ce qui explique la disparité de la licence 4G au Niger par rapport aux pays africains ? Comment le processus qui a abouti à l’attribution de la licence 4G à Celtel Niger a été conduit ?

Selon www.financialafrik.com : « Si certains pays africains ont déjà introduit la 4G en 2015, d’autres sont au stade des essais techniques. Durant l’année 2015, l’Afrique du Nord aura été très dynamique sur le marché de la 4G. Des pays comme le Maroc, ont réussi un coup de maitre en introduisant la téléphonie mobile de 4e génération avec les trois opérateurs téléphoniques du royaume chérifien.»

En Afrique de l’Ouest, nous renseigne www.Financialafrik.com, certains opérateurs sont passés à l’introduction de la 4G. MTN et Orange Cote d’Ivoire ont réglé le 15 décembre 2015 une partie financière de la licence 4G mise en vente par l’Etat ivoirien. Ce qui permettra aux opérateurs, de lancer l’exploitation commerciale de l’internet mobile à haut débit dans les prochains jours. MTN et Orange ont payé respectivement une première tranche de 50 et 75 milliards de F CFA du coût de la licence estimée à 100 milliards de F CFA.

Polémique autour du prix de la 4G en Afrique…

Chaque fois que des licences mobiles sont attribuées dans un pays, des voix s’élèvent pour dire que les autorités ont mal négocié le montant de la contrepartie financière. Ce fut le cas hier au Mali et au Sénégal et depuis le 24 avril 2018 au Niger à la suite de l’attribution d’une licence mobile 4G à Celtel Niger pour un montant de 12 milliards de F CFA et pour une durée de 15 ans.

Ainsi, certains se demandent pourquoi au Sénégal et au Mali, SONATEL et Orange Mali ont dû payer pour l’acquisition de leurs licences mobiles 4G,  respectivement 32 milliards F CFA en juin 2016 pour une durée de 17 ans et 33 milliards en juillet 2017 pour une durée de 15 ans.

Il faut préciser que le prix de la licence au Sénégal ramené sur une durée de 15 ans est de 28 milliards F CFA.

Tout d’abord, il est  important de noter que quatre (4) opérateurs mobiles exercent sur le marché des télécommunications du Niger alors que trois (3) sont sur celui du Sénégal et deux (2) sur le marché malien.

Disparité du prix de la 4G entre le Niger et les autres pays

Le montant total escompté de la licence mobile 4G ramené au nombre d’opérateurs (c’est-à-dire si tous les opérateurs du pays payaient la licence) serait de respectivement 48, 66 et  85 milliards respectivement au Niger, au Mali et au Sénégal.

Les critères généralement utilisés pour expliquer les différences des prix des licences d’un pays à un autre sont la durée de la licence (le prix croit avec le nombre d’années) et le niveau de richesse de chaque pays (le prix croit avec le niveau du PIB à parité du pouvoir d’achat (PPA)).

S’agissant du critère « niveau de richesse » il faut se souvenir de la « courbe de Jipp » du nom du professeur A. Jipp, qui indique une forte corrélation positive entre le produit national brut par habitant et la densité téléphonique, à savoir qu’à la fois la télédensité et la richesse suivent ensemble la même croissance. Le but du Professeur Jipp dont l’étude intitulée « Richesse des nations et densité téléphonique » et publiée en 1963 était justement de créer un outil pouvant contribuer à l’établissement de critères pour l’investissement dans les réseaux de télécommunications.

Aujourd’hui encore, les investisseurs (acquéreurs de licences) ont toujours à l’esprit cette fameuse courbe au moment des négociations des montants des licences.

Certes, le Sénégal et le Mali sont comme le Niger membres de l’UEMOA mais à y regarder de près, ces deux (2) pays qui ont des télédensités (plus de 100%) supérieures à celle du Niger (environ 40%) ont également un  PIB par habitant à parité du pouvoir d’achat (PPA) plus élevés que celui du Niger.

En 2016, le PIB par habitant à parité du pouvoir d’achat (PPA) du Mali et du Sénégal valent respectivement 2,16 et 2,60 fois celui du Niger.

Si nous prenons comme critère que le prix de la licence est proportionnel au niveau du PIB par habitant à parité du pouvoir d’achat (PPA), le prix négocié de la licence mobile 4G ramené aux quatre (4) opérateurs du Niger serait de 103 et 125 milliards F CFA si le Niger avait le PIB par habitant à parité du pouvoir d’achat (PPA) du Mali et du Sénégal respectivement.

Or, comme expliqué supra, le montant total escompté de la licence mobile 4G ramené au nombre d’opérateurs serait de respectivement 66 et  85 milliards F CFA respectivement au Mali et Sénégal. Autrement dit, le Gouvernement du Niger gagnerait respectivement 37 et 40 milliards F CFA de plus que ceux du Mali et du Sénégal s’il était à leur place.

Cela illustre bien que le Gouvernement du Niger a obtenu des résultats bien au-delà de ce que l’on pouvait obtenir en rapport avec le niveau de richesse (PIB) du Niger.

Par ailleurs, outre ces critères de durée et de richesse développés supra, il est essentiel de comprendre que les Etats ne poursuivent pas les mêmes objectifs dans la délivrance de nouvelles licences. Certains visent à maximiser les recettes de l’Etat parfois au détriment du consommateur qui aura à payer le prix fort pour utiliser les services des opérateurs. D’autres fixent  un prix permettant de favoriser les investissements et les innovations des opérateurs. Et enfin, des pays négocient des prix de licences permettant d’avoir des tarifs faibles aux consommateurs.

Au Niger, lors des négociations avec les opérateurs pour l’attribution des licences mobiles 4G, le Gouvernement a particulièrement insisté sur la création d’emploi et l’offre de service à prix abordables et la nécessité d’accroitre les investissements afin de rehausser rapidement la télédensité et améliorer la richesse de notre pays.

Dans un cri de cœur face à cette polémique entretenue par quelques-uns, un citoyen nigérien écrivait sur Facebook : « Arrêtons de s’auto-flageller.

Je n’ai pas pour habitude de commenter l’actualité politico-économique du Niger, mais là, l’honnêteté intellectuelle m’interpelle. Evitons d’écrire, de dire et de partager n’importe quoi !!!

Depuis l’attribution de cette 4G à Airtel, j’entends la comparaison avec l’opération du Mali. Trois (3) arguments démontent complètement cette comparaison :

1 – Au Mali, il s’agit d’un renouvèlement global de toutes leurs licences (2G, 3G, et 4G). La 4G à couter 33 milliards de FCFA (il suffit de taper le premier lien sur google pour le savoir)

2 – Le marché malien de la téléphonie s ‘élève à 20 millions d’utilisateurs (source : IUT) alors que le Niger n’en compte que 8,7 millions soit plus du double. Mécaniquement, la valeur d’une licence devrait couter moins cher au Niger qu’au Mali.

3 – Le Mali compte deux (2) opérateurs pour un marché deux fois plus grand que le Niger, qui en compte quatre (4). Potentiellement, si le prix de référence de la 4G est fixé à 12 milliard, le Niger pour en vendre 4 soit 48 milliard lorsqu’au Mali, ce serait 66 milliard, pour un marché  deux fois plus grand. »

Le processus qui a abouti à la 4G au Niger…

Dans la dynamique gouvernementale de promotion de la société de l’information, par correspondance N°0203/MPT/EN/SG/2017 du 11 juillet 2017, l’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste (ARTP) a été saisie par le Ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Economie Numérique, pour engager le processus d’attribution des licences mobiles 4G.

Le passage à la technologie mobile de quatrième génération est un enjeu capital pour l’accès internet très haut débit mobile pour booster l’économie numérique. Ce qui permettra de renforcer la contribution des télécommunications dans la croissance du PIB de notre pays.

La 4G, faut-il le préciser rend possible des téléchargements plus rapides, une navigation Internet plus fluide, de nouveaux services tels que la vidéo haute définition.

Le Gouvernement a bien voulu inscrire ce processus dans un cadre de transparence et ce conformément à l’article 6.3 de l’ordonnance 99-045 du 26 octobre 1999 portant réglementation des télécommunications modifiée et complétée par les textes subséquents qui précise que l’Autorité de Régulation prépare et lance les appels à la concurrence pour l’attribution des licences, reçoit les offres, les évalue et dresse un procès-verbal motivé d’adjudication à l’attention du ministre chargé des télécommunications pour attribution des licences adjugées par décret pris en Conseil des ministres.

C’est ainsi que, l’ARTP a élaboré un dossier d’appel à candidature comprenant un règlement d’appel à candidatures et un cahier des charges sur la base du cadre législatif et réglementaire en vigueur, les documents relatifs aux processus antérieurs d’attribution de licences et un benchmark international.

L’ARTP a par lettre n°0228/ARTP/DG/DST/DRS du 04 septembre 2017, transmis à l’ensemble des quatre (4) opérateurs le règlement d’appel à candidatures ainsi que le cahier des charges et les a invité à manifester leurs intérêts pour la licence 4G.

Il faut préciser que le règlement de l’appel à candidature définit les conditions particulières applicables à l’appel à concurrence, les modalités de préparation des dossiers de candidature, les critères d’évaluation et les opérations finales d’attribution des licences.

Quant au cahier des charges, il définit les conditions d’exploitation des réseaux mobiles 4G au Niger.

Dans leurs réponses, chaque opérateur doit soumettre :

  • Une offre technique qui permet de vérifier s’il remplit effectivement les conditions minimales de déploiement du réseau et la fourniture de services mobiles 4G ;
  • une offre financière qui après son analyse permettra l’engagement de négociations en vue de déterminer la contrepartie financière de la licence conformément aux vœux du gouvernement.

L’analyse de chaque dossier de candidature est effectuée en vérifiant tout d’abord l’acceptation par le candidat du règlement d’appel à candidature et du cahier des charges.

Ensuite, il est procédé à la vérification de la conformité du contenu du dossier par rapport aux informations requises pour l’offre technique de la licence 4G.

Si le contenu de l’offre technique est conforme, son analyse se poursuit au regard des deux (2) critères de qualification suivants :

  • les critères de type A portant sur l’expérience, la capacité technique, la capacité commerciale et la capacité financière avec un barème de 40 points sur 100 ;
  • les critères de type B portant sur la qualité du projet du candidat avec un barème de 60 points sur 100. Pour ces critères, il a été particulièrement jugé nécessaire de relever les notes relatives à la couverture, aux emplois et aux investissements pour mieux traduire les attentes du gouvernement en la matière.

Le dossier d’appel à candidature précise que pour être qualifié, les offres techniques doivent obtenir un score minimum de 70 points sur 100.

C’est ainsi qu’après analyse des offres techniques jugées qualifiées, il a été procédé à l’ouverture des offres financières puis à l’entame de négociations bilatérales avec les opérateurs Orange Niger SA, Niger Télécoms SA, Atlantique Télécom Niger SA et Celtel Niger SA qui ont manifesté leurs intérêts respectifs pour la licence mobile 4G.

Cependant à cette date c’est seulement avec Celtel Niger SA que les négociations ont abouti.

Il a été alors accordé à Celtel Niger S.A, une licence mobile 4G pour l’établissement et l’exploitation de réseaux et services de télécommunications mobiles de 4ème génération, ouverts au public, en République du Niger.

La contrepartie financière est fixée à douze (12) milliards francs CFA et la durée de la licence est de quinze (15) ans. Les négociations se poursuivent avec les trois (3) autres opérateurs, apprend-on.

Tiemago Bizo