Monsieur Hamzata Idrissa, Secrétaire National Permanent au MAEP-Niger (SNP/CNG/MAEP)

ENTRETIEN AVEC LE SECRETAIRE PERMANENT DE LA COMMISSION NATIONALE DE GOUVERNANCE DU MAEP

Monsieur Hamzata Idrissa est économiste planificateur de formation. Ancien cadre du Ministère du Plan, Hamzata fut Secrétaire Général du Ministère des Transports. Depuis avril 2014, il est Secrétaire National Permanent au MAEP-Niger (SNP/CNG/MAEP). Dans cet entretien, il explique le processus du MAEP et renseigne sur l’état des lieux de l’évaluation MAEP au Niger.

Niger Inter : Monsieur le Secrétaire Permanent pouvez-vous nous dire brièvement ce qu’est le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP) ?

M Hamzata IDRISSA : Le MAEP est un instrument établi suite à un accord mutuel auquel adhèrent volontairement les Etats membres de l’Union africaine. C’est un mécanisme d’auto évaluation destiné à valoriser l’adoption de politiques, de normes et de pratiques qui conduiront à la stabilité politique, à une croissance économique accrue, au développement durable, à une intégration économique régionale et   continentale   accélérée   grâce   à   l’échange d’expériences,   au   renforcement   des   méthodes et pratiques qui ont fait leurs preuves, y compris l’identification  des  insuffisances  et  la  définition des besoins des pays participant en matière de renforcement des capacités. Le MAEP a donc pour ambition de fournir aux pays africains un outil novateur pouvant favoriser l’émergence d’espaces démocratiques dans le dessein de construire des sociétés
plus ouvertes. En effet, « un des objectifs du MAEP dont on ne parle pas beaucoup, veut que le Mécanisme permette aux pays membres d’apprendre à dialoguer (…) Nous insistons fortement pour qu’il y ait ce dialogue et qu’il y ait un cadre de concertation entre les trois parties prenantes. C’est pour cette raison que le MAEP favorise une concertation afin que les acteurs discutent, négocient et s’entendent sur des plates-formes minimales. Par la mise en synergie des efforts de l’Etat, du secteur privé et de la société civile, il permet d’identifier puis de solutionner les problèmes issus des domaines de la gouvernance politique et démocratique, la gouvernance économique, la gouvernance des entreprises  et du développement socio-économique.

En plus du potentiel de création d’une culture de dialogue politique, qui demeure nécessaire à la construction d’un environnement de paix et à la création de fondations durables du développement de l’Afrique, le MAEP comporte d’autres avantages relatifs notamment :

  • L’apport des solutions aux problèmes qui pourraient être négligés ou marginalisés
  • L’accroissement de  la  démocratie  et  le  renforcement  des  institutions nationales
  • La construction d’un consensus national et la confiance politique dont on a besoin pour trouver de nouvelles solutions
  • L’amélioration de  l’image  du  continent  et  de  ses  nations  auprès  des investisseurs et des partenaires au développement.6

Quelle est l’origine du MAEP ?

M Hamzata IDRISSA : Le Mécanisme africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP) a son origine dans le Développement du nouveau Partenariat pour l’Afrique et a été lancé par l’Union africaine à son Sommet de Durban en 2002. Le MAEP (Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs)  est né de la volonté des Leaders Africains qui ont constaté  que  le millénaire  écoulé n’a pas apporté le développement attendu sur le continent Africain et que, de ce fait il fallait que l’Afrique s’approprie son devenir en définissant elle-même ses priorités. Pour cela la bonne gouvernance s’affirme comme un pré requis fondamental. C’est ainsi que le 09 Mars 2003 la déclaration d’Abuja a créé le MAEP, en tant qu’instrument d’évaluation de la gouvernance en vue de rattraper  le retard cumulé et améliorer, à terme, les conditions de vie des populations, par une bonne gouvernance permettant  la croissance économique, l’intégration sous régionale,  continentale et le développement durable.

Il y a les rapports du PNUD, de Transparency International, l’indice Mo Ibrahim entre autres pour mesurer la gouvernance au plan international et africain. D’aucuns se demandent si le MAEP n’est pas un instrument de plus. Quelle est l’originalité du MAEP ?

Hamzata IDRISSA : le MAEP est un instrument inédit et spécifique en ce sens où il est conçu par les Africains pour les Africains ; il se distingue par son caractère d’adhésion volontaire et dénué de conditionnalité, il ne comporte aucune sanction, si ce n’est l’appréciation et les recommandations des pairs. Il se fonde sur les valeurs authentiquement africaines de partage, de respect et de solidarité.
C’est une initiative africaine dont l’originalité réside dans son adhésion volontaire d’une part et l’absence de conditionnalité d’autre part.

Les rapports d’autres organismes, sont pris en compte dans l’étape initiale qu’est l’autoévaluation. Le PNUD, la CEA, la BAD et la fondation Mo Ibrahim sont les partenaires stratégiques du MAEP. La valeur ajoutée de l’évaluation MAEP c’est que ce sont les citoyens eux-mêmes qui en sont les
artisans de l’évaluation. Il revient également d’identifier les défis et les mesures correctives.

 Quelles sont les structures qui pilotent le MAEP ?

Hamzata IDRISSA : D’abord au niveau continental, les structures du MAEP sont dans l’ordre hiérarchique décroissant : Le Forum des Chefs d’Etat et de Gouvernement, les Points Focaux qui sont des Personnalités désignées par les Chefs d’Etat et de Gouvernement pour servir d’interface entre eux et les structures continentales et nationales du MAEP), le Panel des Eminentes Personnalités qui sont en charge de conduire l’évaluation pays et enfin le Secrétariat continental.

Au niveau national, il s’agit du Point Focal National qui est la personnalité servant d’interface entre le Président de la République d’une part, et les structures nationales et continentales du MAEP d’autre part, le PFN est chargé de la mobilisation des ressources et  veille à la mise en œuvre du MAEP, la Commission Nationale de Gouvernance (CNG): organe autonome du gouvernement, elle est chargée de l’orientation et de la coordination de la mise en œuvre du processus du MAEP et enfin le Secrétariat National Permanent (SNP): organe technique, administratif et financier du MAEP placé sous la direction d’un Secrétaire National Permanent (SNP).

Qu’en est-il du processus du MAEP ?

Hamzata IDRISSA: Le MAEP est exécuté en cinq (5) différentes phases. Ces dernières, clairement détaillées dans les documents de base, sont les suivantes :

La préparation et l’auto-évaluation nationale

A ce niveau s’établissent des négociations initiales entre le Secrétariat continental du MAEP et le pays à évaluer. Il s’ensuit une mission de soutien de pays et la signature du mémorandum d’entente, qui définit les paramètres objectifs du travail à accomplir. Le pays, ayant pris connaissance des directives en la matière, met en place le Point Focal du MAEP et la commission (ou conseil) nationale de gouvernance pour enclencher le processus. Les programmes de recherches et de consultation sont également esquissés. Le Point focal national est nommé dès que le pays adhère au processus, avant la signature du mémorandum. Subséquemment, le pays faisant l’objet d’une Evaluation entreprend sur la base des documents actualisés préparés par le Secrétariat du MAEP et des autres documents fournis par les institutions internationales (telle que la CEA), nationales, sous régionales et régionales, son auto-évaluation sur les quatre domaines identifiés.

Cette phase donne lieu à la production du rapport national d’auto-évaluation (RNA) et du programme d’action national (PAN).

La mission d’évaluation nationale (MEN)

Cette phase est menée par un groupe d’experts africains indépendants sous la supervision du Panel et du Secrétariat. Le groupe d’experts évalue l’intégrité du processus du pays et effectue des consultations approfondies sur les grandes questions de gouvernance avec le gouvernement, les hauts responsables, les
partis politiques, les parlementaires, les représentants des organisations de la société civile (y compris les médias, les intellectuels, les syndicats, les associations professionnelles) et le secteur privé. Lorsque des craintes subsistent sur la crédibilité du processus ou quelques faiblesses sont observées, le Groupe des experts peut décider d’entreprendre des recherches et des consultations complémentaires.

Sur la base de l’ensemble des informations recueillies lors de la recherche préliminaire, la mission d’Evaluation élabore le Rapport National d’Autoévaluation et le Plan d’Actions National, le Secrétariat continental du MAEP et le Panel rédigent le rapport d’Evaluation nationale (REN). Ce rapport est envoyé au pays concerné pour d’une part prendre connaissance de son contenu; et d’autre part faire des commentaires, si cela est nécessaire. Quelles que soient les réactions du pays, le contenu du rapport reste inchangé. Les commentaires du pays sont annexés au document.

La soumission du REN et l’Evaluation par les pairs

Le  Secrétariat  continental  soumet  le  REN  au  Forum  des  Chefs  d’Etat  et  de gouvernement des Etats parties du MAEP. C’est à partir de cette étape que l’Evaluation par les pairs proprement dite commence. Cette Evaluation par les pairs repose essentiellement sur un dialogue dit constructif qui n’envisage pas concrètement des mesures coercitives en cas de défaillance d’un Etat membre. L’Evaluation par les pairs du MAEP privilégie l’apprentissage, l’échange et l’enrichissement mutuel à travers les bonnes pratiques.

La présentation et la publication officielle du rapport

Six mois -au plus tard- après que le Forum ait discuté du contenu, le REN est présenté officiellement et publiquement aux structures régionales et sous régionales tels que le parlement panafricain, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, le Conseil de paix et de sécurité envisagé, et le Conseil économique, social et culturel.

De quelles thématiques traite le MAEP ?

Hamzata IDRISSA: Le MAEP traite quatre thématiques que sont :

La gouvernance politique et démocratique

Cette partie traite de l’objectif principal du MAEP qu’est la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance comme base pour la réduction de la pauvreté et de l’instauration d’un développement durable. A cet égard, des questions ont été développées pour mesurer la participation populaire et l’égalité politique – principes fondamentaux d’une société démocratique.

La gouvernance économique

La bonne gouvernance économique y compris la transparence dans le domaine de la gestion financière sont les éléments essentiels pour promouvoir la croissance
économique durable et réduire la pauvreté. La promotion de l’efficacité du marché,
le contrôle du gaspillage dans les dépenses publiques, l’utilisation efficiente des
ressources naturelles, la consolidation de la démocratie et l’encouragement du flux
des capitaux vers le secteur privé sont les aspects cruciaux des efforts visant à réduire
la pauvreté et à encourager le développement durable sur le continent.

La gouvernance des entreprises

La gouvernance des entreprises est un système dans lequel les entreprises sont dirigées, contrôlées et ont l’obligation de rendre compte. Elle touche à toutes les formes d’entreprises dans les secteurs privés et public.

Le développement socio-économique

Le développement socio-économique implique, dans le cadre précis du NEPAD, l’amélioration continue du bien-être et du niveau de vie du peuple. Cette thématique a pour intention de souligner
les efforts déployés et le progrès accompli dans la conception des politiques appropriées et des mécanismes de prestation de services dans les domaines clefs de développement social.

 En conclusion parlez-nous de l’état d’avancement de la mise en œuvre du MAEP au Niger ?

Hamzata Idrissa : Permettez-moi tout d’abord de vous rappeler qu’au nombre des conclusions du Conseil des Ministres en date du lundi 29 avril 2019, figure une communication de Monsieur le Ministre, Directeur de Cabinet de Son Excellence Monsieur le Président de la République, portant sur le démarrage de l’autoévaluation MAEP de notre pays.

A cet effet, la Commission Nationale de Gouvernance a adopté une feuille de route dont l’exécution a commencé avec la tenue à Dosso du 02 au 04 mai courant d’un atelier de renforcement des capacités des membres de la CNG, du SNP et des représentants des comités régionaux du MAEP. En substance, nous sommes au stade de l’autoévaluation qui est une étape fondamentale pour la réussite du processus.

Interview réalisée par Tiemago Bizo